Yuxi Wang
Yuxi Wang est lauréate d’un financement postdoctoral européen du programme Marie Skłodowska-Curie (Horizon Europe) sous la supervision de Carlo-Giovanni Camarda, directeur de recherche à l’Ined. Elle est accueillie à l’Ined au sein de l’unité de recherche de l’Ined Mortalité, Santé, Épidémiologie depuis début septembre 2023, pour une durée de deux ans, afin de conduire son projet de recherche, "Effet de la résistance aux mesures anti-épidémiques sur la propagation des maladies et la mortalité : le rôle de la mésinformation dans cette résistance" ("The effect of resistance to epidemic measures on disease spread and mortality—what’s the role of online misinformation").
(Entretien réalisé en octobre 2023)
Sur quel(s) sujet(s) travailliez-vous en Italie ?
J’ai étudié l’économie de la santé à l’université Bocconi dans le cadre d’un réseau de formation européen et ma thèse de doctorat s’articule autour de plusieurs essais sur divers aspects des disparités en santé. Comme le concept de santé est intrinsèquement pluridimensionnel, il peut être difficile de comprendre et de déterminer si l’infrastructure d’une société confère des « chances » équitables à tous. J’ai analysé les disparités géographiques concernant la fourniture des soins de santé et les facteurs susceptibles de les expliquer, le comportement différent des prestataires. S’agissant des situations sanitaires, je me suis intéressée aux différences d’états de santé liées aux chocs économiques extérieurs et j’ai constaté que les habitants des zones économiquement défavorisées souffraient davantage d’affections mentales. Compte tenu des disparités géographiques, j’ai également examiné dans quelle mesure la source d’informations sur la qualité de l’offre de soins influençait le choix des patients et leur décision d’aller se faire soigner loin de chez eux. Pour l’ensemble de ces articles, je me suis servie des données administratives des hôpitaux et des organismes publics italiens. Avec l’arrivée de l’épidémie de COVID‑19, j’ai aussi participé à divers projets visant à identifier les conséquences socioéconomiques de la crise sur la population âgée en Italie. Intéressée par la manière dont la sphère Internet et en particulier les réseaux sociaux ont eu des effets sur la santé de la population, je me suis également livrée à une analyse systématique des travaux publiés sur la façon dont différentes disciplines ont étudié la mésinformation en matière de santé et la voie à suivre dans ce domaine. À long terme, mon objectif est de relier ces deux grands thèmes, la mésinformation et les disparités en matière de santé, tant sur le plan de la théorie que de l’expérience.
Sur quels projets de recherche travaillerez-vous durant votre séjour en France, à l’INED ? Ces projets sont-ils en lien direct avec vos travaux en Italie ?
À l’INED, je bénéficie d’une bourse individuelle Marie Curie et mon projet s’intitule The effect of resistance to epidemic measures on disease spread and mortality—what’s the role of online misinformation [Effet de la résistance aux mesures anti-épidémiques sur la propagation des maladies et la mortalité : le rôle de la mésinformation en ligne]. À l’heure actuelle, l’un des défis fondamentaux de notre société est de veiller à ce que la liberté individuelle et la liberté d’expression soient respectées tout en évitant les dérives. La dernière pandémie a montré de quelle manière, en période de crise et en particulier dans un contexte d’incertitude extrême, la mésinformation généralisée dans les réseaux sociaux tend à alimenter l’incompréhension et la défiance vis‑à‑vis d’interventions publiques opportunes. Dans le cadre de ce projet, je traite le COVID‑19 comme un événement critique afin de déterminer comment la mésinformation en ligne concernant le vaccin, l’origine du virus et les preuves scientifiques relatives aux interventions non pharmaceutiques ont modifié le comportement des populations et du même coup les taux de mortalité. J’ai l’intention d’exploiter les variations spatiales et temporelles de divers indicateurs (dans les sphères physique et numérique) et j’espère pouvoir ainsi établir des inférences causales. Je veux également être capable de déchiffrer les déterminants socioéconomiques et politiques de l’influence de la mésinformation. En dernier lieu, mon but est de créer un réseau sociologique pour les futurs travaux consacrés à la manière dont Internet, en que vecteur d’information, influence la santé et le comportement de la population. À l’INED, je travaillerai avec Carlo Giovanni Camarda pour mettre au point une analyse des conséquences des comportements non conformes sur les bilans épidémiologiques, en particulier les taux de mortalité et d’hospitalisation. J’ai également un conseiller externe au Max Planck, Ugofilippo Basellini, avec qui je travaillerai sur la mise en corrélation des données numériques (niveaux de sentiment) et des données réelles. Ce projet est étroitement lié aux travaux que j’ai déjà menés en Italie sur les disparités et la mésinformation dans le domaine de la santé, car je souhaite utiliser mon expérience et mes capacités d’analyse pour travailler sur un sujet plus interdisciplinaire, à l’interface de l’économie de la santé, de la sociologie médicale, de l’épidémiologie sociale et de la sociologie informatique.