Wanda Romanowski
Nous avons interviewé Wanda Romanowski, cheffe du service des éditions, sur le passage au libre accès de Population, la revue trimestrielle de l’Ined.
(Entretien réalisé en juin 2022)
Pourquoi Population, la revue trimestrielle de l’Ined, passe-t-elle au libre accès ?
Ce passage au libre accès s’inscrit dans une démarche plus générale de l’Ined en faveur du développement de la science ouverte et, pour le service des éditions en particulier, dans une démarche plus spécifique d’adaptation des produits éditoriaux aux normes de la science ouverte. Une des volontés de l’institut est de rendre accessibles au plus grand nombre les publications que nous produisons. La gratuité est un des moyens, mais pas le seul, d’ouvrir l’accès à nos travaux.
Jusqu’à présent, la revue Population était diffusée sur différentes plateformes, avec, en accès libre, les articles parus il y a plus d’un an, et, en accès payant (dans le cadre d’abonnements pour les institutions et bibliothèques ou d’achat à l’unité pour les particuliers), les articles parus il y a moins d’un an.
En rendant accessible gratuitement, et dans son intégralité, la revue Population sur Cairn, nous avons pour objectif d’améliorer sa diffusion. Après avoir analysé les statistiques de ces dernières années, nous avons constaté que la consultation d’articles gratuits avait augmenté beaucoup plus vite que celle des articles payants par le biais des abonnements. Quant à la consultation payante à l’unité, elle est quasiment inexistante.
Nous souhaitons également améliorer l’attractivité de la revue auprès des auteurs. De plus en plus, les chercheurs doivent en effet publier dans une revue en libre accès pour répondre aux contraintes fixées par les agences finançant leur projet de recherche.
La difficulté du passage au libre accès réside, pour l’Ined, dans le fait d’assurer de manière pérenne le modèle économique de la revue : comment compenser les recettes qui étaient liées aux abonnements ? Nous avons la chance de participer à un dispositif de type « Subscribe to open » qui fait appel à des bibliothèques qui choisissent de financer certaines revues pour leur permettre d’être diffusées en libre accès, ce qui est intéressant et plutôt novateur en France. Ce nouveau programme de type « Subscribe to open » a été tout récemment mis en place et développé par Cairn, en partenariat avec le consortium des bibliothèques universitaires françaises (COUPERIN), de l’Agence Bibliographique de l’Enseignement Supérieur (ABES) et du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR).
Ce passage au libre accès s’accompagne-t-il de changements pour la revue ?
La revue Population s’inscrit depuis un certain temps déjà dans une démarche d’évolution vers des normes plus conformes aux préconisations de la science ouverte. Nous venons par exemple d’établir un contrat d’auteur qui permettra aux auteurs de conserver tous leurs droits sur leurs contributions. Nous mettons par ailleurs en place des licences Creative Commons visant à faciliter la réutilisation et la diffusion des articles. D’autre part, nous avons défini une politique en matière d’auto-archivage, qui permettra aux auteurs de savoir ce qu’ils ont le droit de faire de leur article et à quel moment. Nous allons très prochainement inscrire cette politique sur la plateforme Sherpa Romeo . Nous travaillons aussi à organiser la mise à disposition d’annexes ou de compléments en ligne liés à des articles. C’est dans cet objectif que nous avons ouvert la collection Ined Éditions sur l’entrepôt de données Nakala : cela permet notamment d’attribuer des identifiants pérennes – des DOI (Digital Object Identifiers) – à ces annexes et compléments.
Toujours dans le cadre de notre réflexion autour de l’ouverture des données de la recherche, la revue vient de lancer une nouvelle rubrique, « Sources et données », qui comprendra des Data Papers.
Enfin, nous sommes en train de mettre en place une politique de données afin d’inciter les auteurs à mettre à disposition, chaque fois que possible, les données qui permettent la reproductibilité – replicability – des résultats présentés dans leur article.
Il est important de préciser que, parallèlement à cette diffusion numérique en libre accès et à tous ces dispositifs, la revue continuera d’être diffusée au format papier.
Quelles sont les spécificités de la revue Population ?
Côté lecteurs, la grande spécificité est qu’à partir d’aujourd’hui, toute personne souhaitant accéder à un numéro de la revue ou à un article en particulier peut accéder totalement gratuitement à l’intégralité des contenus en ligne, y compris dans leur version téléchargeable.
Côté auteurs, le système que nous avons adopté pour le passage au libre accès n’engendre aucun frais, que ce soit pour la soumission ou la diffusion de leur article, contrairement à d’autres revues.
Ensuite, Population, qui est l’une des rares revues totalement bilingues français-anglais dont les articles sont diffusés simultanément dans les deux langues, a pour spécificité que les traductions sont entièrement prises en charge par l’Ined.
Enfin, des professionnels de l’édition travaillent à améliorer la lisibilité et la présentation formelle des textes et des représentations graphiques. À cela s’ajoute, pour tous les articles, une évaluation scientifique de très grande qualité effectuée par un comité de rédaction et, en « double aveugle, c’est à dire de de façon totalement anonyme, par des experts extérieurs.