Valérie Golaz
Directrice de recherche à l’Ined, a répondu à nos questions sur les indicateurs de la COVID-19.
(Entretien réalisé en février 2021)
Quels sont les indicateurs pris en compte pour mesurer cette épidémie ?
Les indicateurs utilisés pour suivre l’évolution de l’épidémie de Covid-19 sont nombreux et divers, depuis le nombre de décès jusqu’aux appels à SOS médecins. Parmi eux se trouvent des indicateurs quotidiens et hebdomadaires liés aux tests de dépistage. De mai à novembre 2020 il s’agissait de l’ensemble des tests virologiques RT-PCR effectués en laboratoires (privés ou hospitaliers). Parmi les indicateurs utilisés se trouvent en particulier le nombre et la proportion de tests positifs, mais aussi le nombre de nouveaux cas et l’incidence de la Covid-19. Ces indicateurs, publicisés par les médias, sont utilisés par les pouvoirs publics pour justifier les mesures prises. L’incidence rapporte le nombre de nouveaux cas à la population de la zone concernée et est exprimée en nombre de cas par 100 000 habitants. L’incidence est par exemple mobilisée pour définir les niveaux d’alerte utilisés en septembre-octobre dernier pour la mise en place de politiques différenciées sur le territoire français. Le nombre de nouveaux cas fait partie des indicateurs qui dirigent la politique de reconfinement et de déconfinement. Le taux de positivité des tests fait partie des « chiffres clés » mis à jour quotidiennement sur le site web de Santé publique France. Ces indicateurs doivent tous être interprétés avec précaution.
Qu’indiquent les tests virologiques sur l’épidémie de coronavirus ?
Les indicateurs liés aux tests illustrent bien ce que l’on sait de la diffusion de l’épidémie dans la population sur le territoire français. En revanche, ils ne sont pas représentatifs de l’ensemble de la population. Pour que les indicateurs représentent l’ampleur réelle de l’épidémie dans la population, il faudrait en effet que toutes les catégories de la population soient testées proportionnellement à leur part dans la population. Or, les dépistages privilégient les personnes qui ont une santé à risque ou qui présentent des symptômes. De plus, le nombre de tests effectués et les personnes testées varient selon la période. Par exemple, l’un des graphiques du point hebdomadaire de Santé publique France montre comment le nombre de tests effectués est sensible à la conjoncture : baisse brutale dans les deux semaines qui ont suivi le discours du premier ministre de fin septembre indiquant que les contacts des cas contacts ne devaient pas être considérés comme des cas contacts (semaines 39 et 40 : 21 septembre - 2 octobre 2020), augmentation forte au moment des congés de fin d’année. Plus de tests entraine forcément le dépistage de plus de cas positifs, et un taux de positivité des tests plus faible. Les utilisateurs de ces données de suivi oublient souvent les relations qui existent entre ces données et le fait qu’elles ne proviennent à aucun moment d’un échantillon représentatif de la population.
Comment les données sont-elles rassemblées ?
Les données sur les tests remontent par voie électronique dans le « système d’informations de dépistage » (SI-Dep), une plate-forme sécurisée mise en place par Santé publique France dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Il s’agit d’un recueil exhaustif de certains types de tests: à l’heure actuelle tous les tests RT-PCR et antigéniques effectués sont concernés. Ce recueil comprend des informations sur la personne testée, en particulier le lieu de résidence, le sexe et l’âge, ce qui permet la réalisation de cartes et de graphiques précis. Cependant, comme pour toute collecte de données, les données recueillies ne peuvent être parfaites. Certaines informations manquent parfois, d’autres sont saisies rapidement dans les laboratoires ou les pharmacies. Selon l’information manquante, les données sont écartées ou remplacées. Ainsi, par exemple, si le lieu de résidence du patient est absent, il est parfois remplacé par le code postal du lieu du test, et parfois le cas n’est pas pris en compte dans les résultats. De plus les données remontent dans le système SI-Dep lorsqu’elles sont saisies, c’est-à-dire pas forcément le jour du test. Les remontées journalières, qui sont fortement publicisées, dépendent du jour de la semaine et comportent un délai variable avec le jour où le test a été effectué. Ces statistiques journalières connaissent donc une forte variabilité et doivent être interprétées avec prudence, tout comme les statistiques par commune désormais disponibles sur le site de Santé Publique France. Il est important de comprendre toutes les limites de ces données pour une bonne interprétation des résultats.
Voir aussi :
Golaz V., Gastineau B., Flahaux M.-L., dos Santos S., 2020. Quatre questions-clés sur sur les indicateurs de suivi de l’épidémie de Covid-19 en France.