Loïc Trabut
chargé de recherche à l’Ined, nous parle de la corésidence familiale intergénérationnelle.
(Entretien réalisé en octobre 2016)
Que recouvre le terme de « corésidence familiale intergénérationnelle » et quelle est la part de population concernée ?
Le terme de « corésidence familiale intergénérationnelle » est employé pour décrire le partage d’un même logement par deux générations d’adultes. Il peut s’agir de parents qui hébergent et soutiennent leur enfant adulte. À l’inverse, l’enfant, adulte, peut être celui qui accueille son (ou ses) parent(s) et lui (leur) vient en aide. Enfin, la cohabitation sous le même toit de deux générations peut permettre de mutualiser les ressources. Les résultats de l’enquête Famille et logements conduite en 2011 (360 000 personnes interrogées) et associée au recensement de la population indiquent que près de 8% des répondants de 30 ans et plus ayant un parent en vie corésident avec un ascendant.
Quelles sont les caractéristiques de cette corésidence ?
Toute la difficulté de cette étude réside dans le fait que si l’enquête permet de savoir qui a déménagé d’un domicile à l’autre dans la majorité des situations (l’enfant adulte chez les ou l’un des deux parents (38% des cas) ou inversement (32%)), elle ne donne pas la possibilité de savoir de quelle partie provient l’aide. Le sens de la cohabitation permet néanmoins d’émettre des hypothèses, le fait d’aller s’installer chez l’autre plaçant l’individu dans une plus grande probabilité d’être aidé.
Ainsi, la cohabitation précoce (entre les 30 et 55 ans de l’enfant) est caractérisée par le fait d’être hébergé par ses parents, mais aussi par une plus forte précarité, économique et sociale, aussi bien de l’enfant, des parents que de l’environnement. Le fait d’héberger ses parents est plus souvent le fait des catégories supérieures, des milieux ruraux ou des petites villes. C’est le cas des cohabitations plus tardives qui se font dans des logements plus grands, mieux aménagés.
Nous observons que, de manière générale, les hommes sont plus fréquemment concernés par la corésidence intergénérationnelle. Ce résultat est fortement corrélé à l’âge. Les situations de cohabitation sont plus fréquentes pour les hommes jusqu’aux 55 ans de l’enfant. Après cet âge, ce sont les filles qui cohabitent le plus avec leurs parents, les filles étant généralement plus impliquées à prodiguer des soins auprès de leurs parents.
Est-ce un phénomène nouveau ?
Si ce mode de vie a décru au cours du XXe siècle avec l’amélioration des conditions de vie (développement des assurances et des régimes de retraite, autonomisation résidentielle...), il n’a pas pour autant disparu et a revêtu de nouvelles formes. En France, la coresidence intergénérationnelle cache deux formes distinctes de solidarité, celle, plus entendue, envers les personnes plus âgées en perte d’autonomie et celle, souvent méconnue, envers la précarité des plus jeunes. Les données américaines montrent d’ailleurs un renouveau de ces arrangements au cours de la dernière crise économique.