Lidia Panico et Anne Solaz
Lidia Panico, chercheure associée, et Anne Solaz, directrice de recherche à l’Ined, ont répondu à nos questions sur l’impact du mode de garde sur le développement des enfants.
Quels sont les enjeux de la petite enfance en termes de développement ?
La petite enfance est une étape cruciale du développement du cerveau qui façonne le bien-être cognitif, physique, social et émotionnel tout au long de la vie. En outre, des soins de qualité dès la petite enfance peuvent avoir des effets directs et indirects sur le développement de l’enfant. L’étude longitudinale française pour l’enfance (Elfe), qui suit près de 18 000 enfants de la naissance à l’âge adulte, permet de mieux comprendre comment l’environnement, l’entourage familial, les conditions de vie, ou encore les modes d’accueil peuvent influencer le développement, la santé et la socialisation de l’enfant. Cette enquête a mis en évidence de fortes disparités socio-économiques dès les premières années de vie, bien visibles en terme par exemple de développement du langage. Alors qu’en moyenne, aux alentours de l’âge de 2 ans, les enfants connaissent 74 mots parmi une liste de 100 mots proposés, ceux dont la mère a un niveau de diplôme inférieur au BEPC en connaissent 4 de moins tandis que
ceux dont la mère a un diplôme Bac+2 ou plus en connaissent 6 de plus.
Y a-t –il des différences selon le mode d’accueil ?
En France, les crèches sont très appréciées par les familles en raison de la qualification du personnel, des conditions d’accueil et de l’idée selon laquelle elles préparent bien à l’école maternelle - près d’un enfant de moins de trois ans sur cinq est accueilli en crèche. Bien que la majorité des parents aient une préférence pour ce mode d’accueil, il n’arrive qu’en second en termes de recours, après les assistantes maternelles, en raison du manque de places. L’analyse des données issues de l’enquête Elfe par des méthodes économétriques met en évidence que le fait d’être accueilli à un an en crèche améliore l’acquisition du langage mesuré un an plus tard. Les effets sont de moindre ampleur pour les autres domaines. Les enfants qui fréquentent une crèche montrent des capacités motrices
légèrement supérieures à ceux qui bénéficient d’autres formes d’accueil. Toutefois, s’agissant du comportement, les enfants accueillis en crèche présenteraient en moyenne un peu plus de difficultés par rapport aux enfants bénéficiant d’autres modes d’accueil.
Dans l’ensemble, les résultats suggèrent que la fréquentation de la crèche est plus bénéfique aux enfants défavorisés qu’à leurs homologues plus favorisés. Dans la mesure où les enfants défavorisés fréquentent moins les crèches que les autres enfants, faciliter leur accès en crèche pourrait donc réduire les disparités socio-économiques précoces dans le développement, en particulier dans le domaine du langage, et, à plus long terme, les inégalités scolaires, salariales et de bien-être
Source : Lawrence M. Berger, Lidia Panico et Anne Solaz, 2021, "The Impact of Center-Based Childcare Attendance on Early Child Development: Evidence From the French Elfe Cohort", Demography.