Léa Cimelli
Léa Cimelli, économiste et post-doctorante à l’Ined depuis novembre 2023, mène des recherches sur les conséquences économiques genrées des dissolutions d’union après 50 ans. Elle fait également partie des équipes françaises du projet GINCO (Genre et inégalités de santé dans la Cohorte CONSTANCES). Elle a répondu à nos questions.
(Entretien réalisé en février 2024)
Quelles sont les mécanismes de compensation économique après un divorce et un veuvage ?
Le divorce et le veuvage ont des conséquences multiples. Je n’ai travaillé que sur les revenus pour comprendre comment ceux-ci étaient affectés par ces évènements.
Le point commun à ces deux situations, le divorce et le veuvage, est qu’il y a une personne en moins dans le ménage, donc un revenu en moins, mais également un poste de dépense en moins.
Ce qui les distingue, c’est plutôt la différence entre les revenus de remplacement organisés par l’Etat, transferts privés (pensions alimentaires) ou publics (allocations, minima) - car la législation est très différente.
Dans le cadre d’un divorce, les pensions alimentaires et les prestations compensatoires - les transferts entre conjoints- sont régies par les notaires et la justice.
Dans le cadre du veuvage, c’est le système de retraite qui entre en jeu pour gérer l’allocation de veuvage (spécifiquement pour les jeunes veuves, dont le mari dépendait du régime général des retraites) et les pensions de réversion (les veuves après 55 ans, pour celles qui dépendent du régime général).
L’Etat intervient en organisant des transferts différents, en fonction des dissolutions d’union, ce qui a des conséquences sur le niveau de vie des personnes concernées. En général, le niveau de vie baisse à l’occasion d’un divorce et augmente, en moyenne, à l’occasion d’un veuvage.
Quels risques ces dissolutions entraînent-elles pour les femmes et les hommes ?
Il existe un point commun entre divorce et veuvage et niveau de vie : les hommes se portent mieux en moyenne après ces dissolutions d’union. En effet, après un divorce de plus de 50 ans, le niveau de vie diminue de 5% pour les hommes et de 24% pour les femmes en moyenne. Par ailleurs, en cas de veuvage, le niveau de vie augmente davantage chez les hommes que chez les femmes : respectivement d’un peu plus de 10%, contre un peu moins de 5%.
Pour évaluer les risques, trois caractéristiques sont à prendre en compte : le genre, le type de dissolution et l’âge.
Les principaux risques sont les suivants : large variation de niveau de vie, choc économique, en particulier pour les femmes, et, notamment après 50 ans, risque d’entrer en précarité, voir en pauvreté, particulièrement pour les divorces ; et pour ce qui est du veuvage, plutôt pour les femmes jeunes (avant 55 ans). On observe plus de risques pour les femmes et pour les divorcées.
Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Je continue de développer l’analyse de ma thèse en m’intéressant aux pacs et aux unions cohabitantes. Dans ces deux cas, la législation n’encadre pas les fins d’union. Aucune prestation compensatoire n’est prévue par la loi ; une pension alimentaire est mise en place si des enfants sont issus de l’union. Il n’y a pas non plus de pension de réversion.
En parallèle, j’étudie le divorce et veuvage dans des contextes nationaux différents.
Concernant le choix de la Suède, c’est un projet visant à comparer les conséquences économiques du divorce dans deux contextes de politiques publiques et d’activité féminine différents. Le système suédois est très individualisé en termes de droits sociaux, alors que le système français prend en compte les trajectoires sociales.
Mon travail sur les Pays-Bas porte sur le veuvage, il n’est pas explicitement comparatif. Les Pays-Bas disposent de données administratives très fournies, ainsi que des données sur la richesse, une dimension sur laquelle nous avons moins de données en France. C’est un versant très intéressant à explorer sur le volet du patrimoine. Cet aspect peut être étudié aux Pays-Bas, contrairement à la France.