Dahye Kim
Dahye Kim mène des recherches sur les politiques sociales dans le contexte de l’évolution démographique en Asie. Elle a gagné le prix jeune auteur·e de la revue Population pour son article « Un droit égal à l’héritage ? Droits de succession et transferts intergénérationnels entre les sexes en Corée du Sud, 1971-2010 » [An equal right to inherit? Inheritance rights and gendered intergenerational transfers in South Korea, 1971-2010].
(Entretien réalisé en août 2024)
Quel est le sujet de votre article lauréat du prix jeune auteur·e ?
L’article examine comment l’évolution vers l’égalité des droits d’héritage entre les sexes a affecté l’écart entre les femmes et les hommes en matière d’héritages et de donations au sein des ménages sur une période de 40 ans. Je me concentre sur la Corée du Sud, qui a abrogé une clause discriminatoire envers les femmes dans sa loi sur l’héritage en 1991. Les résultats montrent que, malgré cette décision, l’écart entre les sexes en matière d’héritages et de donations ne s’est pas réduit. Peu de temps après la réforme, la donation est devenue la méthode privilégiée de transfert des biens, principalement vers les fils. De plus, le partage des biens en parts égales lors d’une succession ne s’est pas généralisé, de nombreux ménages continuant de pratiquer des répartitions inégales par le biais de testaments et de négociations familiales. Ces résultats suggèrent que les réformes juridiques ne sont qu’une première étape vers la réalisation de l’égalité des sexes dans les transferts intergénérationnels, les normes et les contextes culturels jouant souvent un rôle plus important.
Quels sont vos projets ?
Je m’intéresse particulièrement à la vulnérabilité dans les sociétés vieillissantes, notamment dans le contexte d’évolution du paysage démographique et des modalités de soins informels au sein des ménages. Je travaille plus spécifiquement sur les soins et la protection sociale des personnes âgées. L’un de mes projets consiste à analyser les profils financiers des femmes âgées après le veuvage, en tenant compte des transferts de l’État, du marché et de la famille. Un autre projet est centré sur les soins communautaires à travers une analyse comparative entre la Corée du Sud et Singapour. Je souhaite contribuer à la conception des politiques sociales en matière de soins et de bien-être, notamment en réponse au vieillissement rapide que connaissent de nombreuses sociétés.
Que signifie pour vous le prix jeune auteur·e de la revue Population ?
Je suis profondément honorée et reconnaissante de recevoir le prix jeune auteur·e de la revue Population, en particulier pour un chapitre de ma thèse de doctorat ayant nécessité autant de temps et de persévérance. L’étude, qui devait déterminer l’impact d’un changement de politique relativement ancien, s’est heurtée à des difficultés liées à la limitation des données et à la nature sensible des informations sur les héritages et les donations. L’approche interdisciplinaire a été stimulante intellectuellement, mais elle a pu constituer un obstacle vers une reconnaissance dans l’ensemble des domaines abordés par l’article.
Ce travail a été rendu possible grâce au soutien de chercheurs remarquables, dont mon comité de doctorat, de professeurs qui n’ont pas compté leur temps pour me relire, ainsi que des éditeurs, du jury international et des évaluateurs de la revue Population. Même si je ne peux pas citer tout le monde, cette réussite est véritablement le fruit d’un effort collectif. Malgré les défis que pose l’exploration d’un sujet de niche dans une perspective multidisciplinaire, j’espère que ce prix inspirera de nouvelles recherches sur l’inégalité en matière d’héritages et de donations, en particulier dans les sociétés vieillissantes.