Des chercheur.e.s de l’Ined nous parlent des impacts du premier confinement aux différents âges de la vie
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(Entretien réalisé en avril 2021)
Le premier confinement a entraîné une mise à l’épreuve des conditions de logement, d’emploi et de revenu, des relations familiales et des modalités de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. L’Ined a pris part au printemps 2020 à trois enquêtes représentatives de la population française, administrées par internet :
- Coconel s’appuie sur les réponses d’environ 2000 adultes ayant pu être sélectionnés très rapidement par la méthode des quotas,
- Sapris-Enfant a recueilli des informations sur près de 6000 enfants de 9 ans membres des cohortes Elfe/Epipage2, co-administrées par l’Ined et l’Inserm,
- EpiCov est une enquête de la statistique publique à laquelle 135000 personnes tirées dans les fichiers de l’Insee ont répondu, l’Ined ayant conçu les questions sociodémographiques, parfois posées par téléphone.
Des chercheur.e.s de l’Ined en extraient quelques résultats sur ce que le confinement a fait aux individus les plus âgés (les plus vulnérables face au virus), mais aussi aux adultes et aux enfants moins directement touchés.
Chez les plus âgés, les solidarités de voisinage ont-elles augmenté durant le confinement ou, au contraire, le sentiment d’isolement a-t-il progressé pendant la période de confinement ? *
Réponse de Joanie Cayouette-Remblière et d’Anne Lambert, chercheures à l’Ined
Pendant la pandémie, l’intensité des échanges de services entre voisins est restée stable : comme en temps ordinaire, quatre Français sur dix déclarent avoir rendu un service dans leur quartier au printemps 2020, et 29 % en avoir reçus.
En revanche, le profil des bénéficiaires a nettement évolué : les plus âgés ont reçu davantage d’aides de leurs voisins qu’en temps normal. Il leur est toutefois difficile de rendre la pareille : parmi les personnes âgées de 75 ans ou plus ayant reçu un service du voisinage, seules 60 % ont elles-mêmes rendu un service pendant le confinement, contre 85 % en temps normal. Ce sont les 60-74 ans qui ont joué un rôle central de pourvoyeur d’aides pendant la crise sanitaire.
Bien qu’au centre des échanges, les plus âgés sont ceux pour lesquels le sentiment d’isolement a le plus progressé. Ce sont cependant les 18 à 24 ans qui constituent la classe d’âge la plus affectée par le sentiment d’isolement.
Quels sont les risques d’exposition à la Covid-19 au travail pour les personnes d’âge actif ? **
Réponse d’Émilie Counil et d’Ariane Pailhé, chercheures à l’Ined
D’après la 1ère vague de l’enquête EpiCov menée par l’Inserm et la Drees auprès de 135000 personnes, plus de 2/3 des personnes en emploi avant le 1er confinement ont continué à se rendre sur leur lieu de travail au moins partiellement entre mi-mars et mi-mai 2020. Beaucoup exercent une profession « essentielle » qui a pu les exposer au virus. C’est le cas des soignants ; 11% ont été infectés à la fin mai, contre 5 % en moyenne dans la population. Le chômage technique a permis une mise à l’abri temporaire, tout comme le télétravail, avec de fortes disparités sociales. Ainsi, près de 50% des cadres ont bénéficié du télétravail total pendant le confinement, contre 8% des employés peu qualifiés, et moins de 1% des ouvriers non qualifiés. À l’inverse, le travail à l’extérieur était la modalité unique d’organisation du travail pour 41% des employés peu qualifiés, contre 15% des cadres. Les vagues d’enquête successives nous renseigneront sur l’évolution de ces disparités, vecteur dynamique d’inégalités face à l’épidémie.
Quels impacts le type d’habitat a-t-il eu sur le quotidien des enfants et la façon dont ils ont vécu le confinement ? ***
Réponse de Xavier Thierry, chercheur à l’Ined
Les enfants habitant les appartements les plus exigus ont vécu moins facilement le confinement. Comparés aux enfants vivant en maison, leur équilibre psychologique, leur sommeil et les relations avec leurs parents ont été davantage perturbés. Même en tenant compte des différences socioéconomiques entre ces deux catégories d’habitants, leur adaptation a été conditionnée par les conditions de logement. Ceci ne surprend pas car par essence le confinement replie les individus à domicile. Cette contrainte est plus forte pour les enfants qui, contrairement aux parents, ne sont pas tenus de sortir pour faire des courses ou se rendre au travail. Privés d’école et de loisirs avec les copains/copines, leurs sorties extérieures ont largement dépendu du bon vouloir des parents. Pour amortir cette assignation à résidence et limiter l’utilisation des écrans, les parents vivant en appartement, donc sans jardin, ont deux fois plus souvent accompagné leurs enfants pour des promenades à l’extérieur.
* Anne Lambert et Joanie Cayouette-Remblière (Population et sociétés, juin 2020)
** Emilie Counil et Ariane Pailhé (Questions de santé publique, octobre 2020 et Etudes et Résultats, n°1167, octobre 2020)
*** Xavier Thierry (Population et sociétés, janvier 2021)