Géraldine Duthé et Valérie Golaz
Géraldine Duthé et Valérie Golaz, chercheures à l’Ined, ont répondu à nos questions sur la répartition de la population mondiale, la croissance démographique attendue dans les prochaines décennies, mais également sur les projections démographiques à plus long terme.
(Entretien réalisé en novembre 2022)
Nous sommes à présent 8 milliards d’humains sur terre. Comment se répartit la population mondiale aujourd’hui ?
Actuellement 6 humains sur 10 vivent en Asie. La Chine et l’Inde sont les deux pays les plus peuplés au monde et dénombrent à eux seuls près de 3 milliards d’habitants. Cependant, alors qu’en Chine, la croissance est devenue nulle, la population de l’Inde continue d’augmenter au rythme de +0,7% par an : l’Inde deviendra d’ici 2024 le pays le plus peuplé au monde. L’Afrique est le deuxième continent le plus peuplé, avec près de 20% de la population mondiale. Le pays africain le plus peuplé est le Nigeria avec 218 millions d’habitants. Par ailleurs, le continent américain regroupe 13% de la population mondiale, beaucoup vivent aux États Unis (338 millions) mais la majorité vivent en Amérique latine ou dans les Caraïbes (8%). Moins d’un humain sur dix (9%) vit sur le continent européen qui est aujourd’hui caractérisé par une croissance démographique négative, alors qu’il regroupait 22% de la population mondiale en 1950. Enfin, une très faible proportion de la population (0,6%) vit en Océanie.
Au-delà de la répartition géographique, il est intéressant d’observer comment se répartit la population selon le niveau de revenu du pays de résidence. Si l’on se base sur la classification de la Banque mondiale, les trois quarts de la population vivent dans un pays à revenu intermédiaire (74%), seulement 16% de la population vit dans un pays riche, et près d’un humain sur dix vit dans un pays à faible revenu. Comme la croissance démographique se concentre surtout dans ce dernier groupe (2,7% par an en moyenne actuellement), la part de la population habitant dans un pays pauvre augmente depuis la fin de la seconde guerre mondiale : elle était de 5% en 1950 et pourrait atteindre 15% en 2050.
Quelle croissance démographique est attendue dans les décennies à venir ?
La population mondiale croît actuellement de 0,8% par an. Cette croissance est en baisse régulière depuis le début des années 1970. Les Nations Unies prévoient actuellement un arrêt de la croissance de la population mondiale autour de 2080. Néanmoins, elle est inégalement répartie entre les pays et les continents de la planète, entraînant une transformation importante des équilibres géopolitiques mondiaux du fait du poids démographique relatif des régions du monde.
La population de certains pays baisse, particulièrement en Europe de l’Est et en Asie du Sud-Est. C’est en Afrique que se concentre la plus forte croissance démographique (+ 2,3% par an), du fait d’une fécondité encore relativement élevée (4,2 enfants par femme en moyenne) en particulier en Afrique Centrale et de l’Ouest. D’ici 2050, l’Afrique devrait représenter 25% de la population mondiale.
Les projections démographiques sont assez réalistes à l’horizon de 20-30 ans car les nombres de décès et de naissances sont prévisibles étant donné que la structure par âge des populations actuelles est connue, notamment parce que les futures mères à court terme sont déjà nées.
Concernant les projections au-delà de trente ans par contre, qu’en est-il des hypothèses et de leur degré de précision ?
En effet, malgré l’absence de sources exhaustives et régulières dans les pays du Sud, on estime assez bien la dynamique de la population mondiale actuelle et celle des prochaines décennies. Certes, il existe des chocs difficiles à anticiper mais on peut tout de même se baser sur les tendances passées pour prévoir les transformations à venir, en matière de fécondité et de mortalité. Cependant, plus les projections s’éloignent du présent, plus elles sont incertaines. Ce sont surtout les tendances de la fécondité qui vont déterminer la dynamique de la population mondiale, or celles-ci continuent à surprendre les chercheurs. D’une part, la fécondité baisse moins vite que prévu dans certaines régions du monde ; d’autre part, dans de nombreux pays, elle a continué à baisser en deçà du seuil de renouvellement de la population (2,1 enfants par femme).
Les Nations Unies fournissent une fourchette d’estimations, avec un scenario médian qui se situe entre une estimation haute et une estimation basse, toutes deux fondées sur des tendances de la fécondité différentes (plus ou moins 0,5 enfant par femme en moyenne, par rapport au scenario médian). Ainsi, les Nations Unies prévoient une stabilisation de la population mondiale autour de 10,4 milliards vers 2080 mais ce scénario le plus probable est accompagné d’autres scénarios, les plus extrêmes étant soit une stabilisation autour de 9 milliards dès 2050, soit au contraire, la poursuite de la croissance pour atteindre plus de 14 milliards vers 2100.
Références :
Pison G. et al. 2022. Tous les pays du monde, Population et Sociétés 603.