Carlo-Giovanni Camarda, chercheur à l’Ined, et Ugofilippo Basellini, chercheur au Max Planck Institute for Demographic Research (MPIDR)
ont répondu à nos questions sur le développement d’un nouveau modèle de projections de mortalité. Élaboré en 1992, le modèle Lee-Carter est la méthode de référence pour établir des projections en matière de mortalité et d’espérance de vie. À partir de ce modèle, Carlo-Giovanni Camarda et Ugofilippo Basellini ont développé un modèle à trois composantes.
(Entretien réalisé en août 2021)
Qu’est-ce que le modèle Lee-Carter ?
Rappelons que le modèle Lee-Carter prend en compte les âges et une année ou une période donnée pour déterminer des taux de mortalité globaux pour l’ensemble d’une population donnée. Si ce modèle est fondamental, il ne permet cependant pas d’examiner les fluctuations et évolutions de l’espérance de vie selon les critères retenus, c’est-à-dire par composantes démographiques et en fonction de leur évolution au fil du temps. Le modèle Lee-Carter repose effectivement sur l’hypothèse que les améliorations spécifiques par âge sont linéaires tout au long de la période considérée et c’est sur ce même principe que les prévisions sont construites.
Comment ce modèle est-il mobilisé dans votre article ?
Afin de proposer des prévisions de mortalité plus précises, nous avons travaillé à l’élaboration d’un modèle Lee-Carter à trois composantes (3C-sLC) qui s’appuie sur le modèle Lee-Carter initial et qui donne la possibilité de diviser l’étude de la mortalité en trois sous-ensembles pour l’observer chez les enfants, à l’âge adulte et aux âges avancés. Cet affinement du modèle Lee-Carter permet ainsi non seulement d’analyser la mortalité par sous-groupes, et, donc, de la décomposer, mais aussi de comprendre les interdépendances entre les différents âges et d’intervenir en conséquence sur les projections.
Quelles perspectives le modèle à trois composantes que vous proposez offre-t-il en matière de prévision de la mortalité ?
Avec ce modèle 3C-sLC à trois composantes, nous obtenons des projections en matière de mortalité qui sont moins figées et, de fait, certes, également plus incertaines, mais davantage en adéquation avec la réalité car englobant un plus grand nombre de paramètres. Nous avons appliqué cette approche aux données de dix populations connaissant une faible mortalité. Ce nouveau modèle est particulièrement adapté à l’étude de la mortalité chez les hommes, en raison d’une surmortalité masculine des jeunes adultes plus évidente. Pour analyser la mortalité des femmes, une adaptation du modèle 3C-sLC avec seulement deux composantes (mortalité juvénile et mortalité aux âges avancés) suffirait.
Ce modèle vise à fournir aux actuaires, aux démographes, aux épidémiologistes et aux spécialistes des sciences sociales en général un outil unique et précieux pour simultanément lisser, décomposer et prévoir la mortalité.