Arnaud Régnier-Loilier
directeur de recherche à l’Ined, nous parle de la saisonnalité des naissances.
(Entretien réalisé en décembre 2019)
Observe-t-on toujours un pic des conceptions à la Saint-Sylvestre ?
La saisonnalité des naissances a évolué au fil des années, tant dans sa forme que dans son amplitude. Elle est aujourd’hui moins marquée qu’elle ne l’a été par le passé et le surplus important de naissances au mois de mai observable dans les années 1975-1980 s’est effacé. Un invariant revient toutefois chaque année. Un léger pic de naissances se dessine autour du 25 septembre, étalé sur plusieurs jours. En tenant compte de la distribution des durées de grossesses (268 jours en moyenne, variable selon les grossesses), ce pic correspond à des conceptions le jour de l’An.
Bien que très remarquable à l’échelle de l’année, le pic de septembre est d’une intensité relativement modeste. Alors qu’en moyenne, sur l’année 2018, 2 078 naissances ont été enregistrées chaque jour, on en dénombrait 2 233 la semaine du samedi 22 au vendredi 28 septembre (soit 7 % de plus). Ce surplus est ainsi à peine décelable à l’échelle d’une maternité. Prenons l’exemple d’un établissement de taille intermédiaire réalisant 1 500 accouchements par an, soit 28 accouchements en moyenne par semaine. Il aurait alors enregistré, la semaine du 22 au 28 septembre, deux accouchements de plus qu’une semaine habituelle.
Deux pistes explicatives peuvent être avancées pour rendre compte du pic de naissances fin septembre. On peut d’abord supposer que les couples cherchant à avoir un enfant, donc non utilisateurs d’une méthode de contraception, seraient proportionnellement plus nombreux à avoir des rapports sexuels dans la nuit du 31 décembre. Il n’existe toutefois pas de données précises sur le sujet. Une seconde piste consiste à voir dans le pic de septembre les conséquences d’une moindre vigilance contraceptive le soir de la Saint Sylvestre. Cette hypothèse est soutenue par les statistiques d’interruptions volontaires de grossesses (IVG). On dénombre en effet un surplus important d’IVG correspondant à des conceptions survenues autour du 1er janvier.
Articles associés :
Breton D., Barbieri M., d’Albis H., Mazuy M., 2018, « L’évolution démographique récente de la France. Naissances, décès, unions et migrations : à chacun sa saison », Population, 73(4) : 623-692.
Leridon H., 1986, « Les conceptions du 1er janvier (ou : les étrennes de septembre) », Population, 41(3) : 599-602.
Régnier-Loilier A., 2010, « Évolution de la saisonnalité des naissances en France de 1975 à nos jours », Population, 65(1) : 147-190.
Régnier-Loilier A., Rohrbasser J.-M., 2011, « Y a-t-il une saison pour faire des enfants ? », Population & Sociétés, 474.