Arnaud Régnier-Loilier
répond à nos questions à l’occasion de la parution de l’ouvrage « Parcours de familles », aux Éditions de l’Ined
Ce livre est le résultat de l’enquête Étude des relations familiales et intergénérationnelles (Érfi) conduite en trois temps, entre 2005 et 2011, et qui a donné lieu à un premier ouvrage en 2009, « Portraits de famille ». Arnaud Régnier-Loilier, chercheur à l’Ined et membre de l’unité de recherche « Fécondité, famille, sexualité », est spécialisé dans les comportements conjugaux et familiaux.
(Entretien réalisé en mars 2016)
Quel était l’objectif de l’enquête dont les résultats sont développés dans cette publication ?
L’enquête Étude des relations familiales et intergénérationnelles (Érfi, Ined-Insee, 2005-2011) est centrée sur la dynamique de construction de la famille.
Érfi est la déclinaison française de l’enquête Generations and Gender Survey (GGS) réalisée dans une vingtaine de pays, d’Europe principalement. L’objectif central du projet Génération et genre est de mieux appréhender les évolutions démographiques récentes communes à de nombreux pays (comme la baisse de la fécondité, la diversification des formes d’union, la complexification des parcours conjugaux, l’allongement de l’espérance de vie) et les enjeux qu’elles soulèvent (comme la diversité des formes familiales, les solidarités entre générations ou encore l’évolution du rôle des femmes et des hommes dans la société).
Pour répondre à ces objectifs, l’enquête a consisté à interroger des femmes et des hommes de 18 à 79 ans, et à les suivre pendant 6 ans.
Les personnes interrogées l’ont été à trois reprises, sur une période de six ans. Que cela a-t-il apporté à l’enquête ?
L’ouvrage collectif Portraits de familles paru en 2009 portait sur la première vague d’enquête (2005). Il proposait un état des lieux, telle une photographie instantanée, de la famille, des situations conjugales, de l’organisation domestique, du passage à l’âge adulte ou encore des relations entre générations. Par exemple, il ressortait que l’organisation domestique au sein des premières unions était plus inégalitaire que dans le cadre des deuxièmes unions ou « remises en couple ».
L’interrogation successive des mêmes personnes, dont les résultats sont présentés dans Parcours de familles, permet d’appréhender les comportements familiaux et de fécondité comme des processus qui interagissent entre eux et en lien avec d’autres éléments du parcours de vie des personnes. Il s’agit, d’une part, d’étudier la manière dont les comportements démographiques se déterminent au niveau individuel et, d’autre part, d’évaluer certaines de leurs conséquences.
Y a-t-il un ou des événements clés qui marquent le parcours des personnes interrogées ?
Dans une dimension prospective, la confrontation des projets exprimés (le souhait d’avoir un enfant, par exemple) avec leur réalisation dans les années qui suivent (avoir eu ou non un enfant), mise en regard avec les parcours individuels (professionnel, conjugaux, par exemple), permet de mieux comprendre les comportements et de repérer certains obstacles qui peuvent contrarier les projets. On observe par exemple que le fait d’avoir vécu une période de chômage retarde l’arrivée du premier enfant.
L’enquête permet en outre de mettre en avant certains changements qui accompagnent les événements familiaux. La naissance d’un enfant a par exemple des conséquences sur l’organisation domestique et sur l’activité professionnelle, en particulier pour les femmes. L’arrivée d’un enfant active en outre l’entraide intergénérationnelle, les parents venant parfois en soutien pour la garde de leurs petits-enfants ou la réalisation de tâches domestiques.
L’enquête montre également comment le passage à la retraite est empreint d’incertitudes et bousculé par l’évolution rapide des dispositifs, certaines personnes anticipant leur départ tandis que d’autres le retardent.
La publication de cet ouvrage marque-t-elle la fin du projet ?
L’enquête Érfi a été réalisée entre 2005 et 2011. Les temps de la recherche sont longs et la publication de cet ouvrage n’est qu’une première étape dans le « parcours de vie » de l’enquête. De nombreux prolongements sont attendus. En premier lieu, bien d’autres études vont être conduites à partir d’Érfi, de par la richesse du questionnaire. Des pans entiers de l’enquête restent en effet à explorer. En second lieu, l’enquête s’inscrit dans un programme international et des comparaisons avec d’autres pays vont être menées. Cela permettra de prendre en compte une dimension supplémentaire dans l’étude des dynamiques familiales : celle des contextes nationaux et des politiques publiques.