Anne Gosselin

Anne Gosselin, chargée de recherche à l’Ined, a répondu à nos questions sur le projet de recherche qu’elle conduit avec l’association VoisinMalin autour des thématiques de la santé et du travail. 

(Entretien réalisé en mars 2024)

En quoi consiste le projet lancé en septembre 2023 avec VoisinMalin ?

Ce projet, financé par l’ANR (Agence nationale de la recherche), et cofinancé par l’ARS (Agence Régionale de Santé) du côté de l’association, a pour but de mieux comprendre et d’améliorer les connaissances des habitants de trois quartiers populaires en Ile-de-France en matière de risques professionnels, mais aussi des ressources et services existants. L’association VoisinMalin, co-porteur du projet, intervient dans les quartiers populaires via des campagnes d’information en porte-à-porte menées par des habitants salariés. 

Pouvez-vous nous dire comment est né ce projet en collaboration avec l’Ined ?

VoisinMalin travaille depuis plusieurs années sur des sujets de santé. L’association a candidaté à l’appel à projets de l’ARS visant à soutenir des projets agissant sur les déterminants de santé, en souhaitant travailler sur les liens entre santé et travail. Elle a contacté Annabel Desgrées du Loû, directrice de recherche à l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement, Ceped), et moi-même, pour collaborer sur ce projet, dans une démarche de recherche-action.

D’autres chercheurs participent également : Emilie Counil, chargée de recherche à l’Ined ; et Sarah Demichel-Basnier, sociologue et post-doctorante, qui a rejoint l’Ined en septembre 2023 pour travailler sur ce projet durant deux ans.

La particularité de ce projet est qu’il est né et se mène dans une démarche participative, avec les salariés de l’association. Ces derniers rencontrent parfois en porte-à-porte des personnes vivant des problématiques de santé pouvant avoir un lien avec le travail, et manquent parfois d’informations pour orienter les habitants des quartiers où ils interviennent. 

Des réunions régulières ont lieu entre l’Ined et les habitants de trois quartiers prioritaires pour décider des axes du projet, des thématiques à couvrir et de ses modalités de mise en œuvre. 

Comment va se dérouler le projet ?

Le projet a débuté en septembre 2023 et continuera jusqu’au premier semestre 2025. 

Lors de la première phase, nous avons construit, avec les équipes de VoisinMalin, un questionnaire à destination des habitants portant sur : leur situation professionnelle, leur état de santé, les liens entre ce dernier et leur travail, et ce qu’ils savent de leurs droits et des différentes ressources existantes en matière de santé au travail. A ce jour, plusieurs pistes nous paraissent prioritaires : l’accès au droit, la santé mentale en lien avec le travail et notamment le travail précaire, et enfin les stratégies déjà mobilisées par les habitants pour leur santé au travail. On pose aussi des questions sur les horaires atypiques. 

La passation du questionnaire devrait se tenir au printemps 2024 auprès de 1200 personnes aux profils et aux situations professionnelles variés, ce qui permettra d’avoir des premiers résultats en automne 2024 et de co-construire avec l’association une intervention de promotion de la santé au travail dans ces quartiers, en tenant compte des résultats du questionnaire.

Une seconde campagne de porte à porte se déroulera ainsi à l’automne 2024, auprès de 1200 personnes résidant dans les mêmes quartiers où se sera déroulée la première campagne. Il s’agira a priori de transmettre des informations sur la santé au travail et sur les recours et démarches possibles dans le quartier (nous ne réinterrogerons pas les mêmes habitants ; nous n’effectuons pas de suivi). Sarah Demichel-Basnier réalisera alors un volet qualitatif de ce projet, qui vise à comprendre, grâce à des observations et des entretiens avec les bénéficiaires, si l’intervention mise en place a des conséquences ensuite sur les démarches entreprises, les connaissances des personnes.

L’association VoisinMalin a l’habitude de travailler avec des acteurs locaux. Il est prévu de partager les résultats du questionnaire avec ces acteurs et de réfléchir à ce qui pourrait être mis en place et proposé aux habitants plus largement dans ces quartiers compte tenu de ces résultats.

Y a-t-il une difficulté particulière à réaliser ce genre de projet ?

Une situation à signaler est que ce sont les habitants salariés de VoisinMalin qui vont interroger les habitants des quartiers. Cela peut être délicat s’ils se connaissent déjà. Nous ferons donc attention au fait que les voisins n’enquêtent pas leurs propres immeubles. D’un autre côté, le fait que les habitants connaissent les équipes de VoisinMalin qui ont l’habitude d’intervenir dans leurs immeubles peut être un atout car une relation de confiance s’est déjà tissée. 

En dehors de cette difficulté, la démarche participative nécessite de trouver des modalités de travail adaptées à l’Ined comme à VoisinMalin, impliquant beaucoup de temps de calage de notre organisation et de découverte mutuelle. Cette démarche a déjà apporté beaucoup en termes de construction des questionnaires, et elle apportera certainement de nombreux éléments au moment d’analyser les résultats de l’étude.