Les trajectoires de prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance

Des contextes d’origine souvent difficiles

Parmi les jeunes sortis de protection après l’âge de 10 ans, les garçons sont un peu plus nombreux que les filles (56 % contre 44 %). Les jeunes concernés sont fréquemment issus de familles nombreuses, séparées et/ou recomposées : 43 % ont au moins un demi‐frère ou une demi‐soeur. La prise en charge est souvent associée à des contextes familiaux difficiles : 13 % des enfants ont un père et/ou une mère ayant été maltraité(e) et/ou placé(e) . Près d’un jeune sur cinq est orphelin d’au moins l’un des deux parents et 8 % n’ont pas été reconnus par leur père. Par ailleurs, un jeune enquêté sur cinq est né à l’étranger. Les filles d’origine étrangère sont arrivées relativement tôt en France et ont des motifs d’entrée en protection de l’enfance similaires aux autres filles de la cohorte. Les garçons arrivent plus
tardivement sur le sol français et sont pris en charge en tant que « mineurs étrangers isolés » à l’aube de leur majorité (16‐17 ans). Ils connaissent en moyenne quatre lieux de placements différents et restent placés 4,6 ans.

Typologie des trajectoires de prise en charge

Plusieurs parcours types de prise en charge se distinguent : des parcours longs en familles d’accueil ; des parcours longs en collectif, avec ou sans retours en famille ; des parcours de « prévention précoce » ; des parcours débutant plus tard, au moment de l’adolescence (parcours mixtes de « préparation au placement » et « parcours tardifs »).

  • Les « parcours en famille d’accueil » (19 % de la cohorte) se caractérisent par une prise en charge longue. Filles et garçons sont en proportions similaires à l’ensemble de la cohorte. Près d’un tiers de ces parcours inclut des retours en famille suivis d’un autre placement, relativement court. Ils se composent en moyenne de quatre placements différents. 30 % de ces jeunes ont été accueillis en foyer de l’enfance avant d’être orientés vers une famille d’accueil, cette première prise en charge ayant pour finalité de prendre le temps de l’évaluation de la situation familiale. Par ailleurs, plus le parcours en protection de l’enfance est long, plus le risque de changer de lieu de placement est important.
  • Les « parcours en collectif » (13 % de la cohorte) se caractérisent par une prise en charge longue, principalement en placement collectif. 80 % des jeunes de ce profil ont bénéficié de mesures en milieu ouvert et la moitié a connu des périodes de doubles mesures, associant un placement et une mesure en milieu ouvert. Ces jeunes ont connu un grand nombre de placements (5,2 en moyenne).
  • Les « parcours mixtes » (48 % de la cohorte) associent des périodes en milieu ouvert et des périodes de placement. Ils représentent près de la moitié de la cohorte et se retrouvent davantage dans le département d’Île‐de‐France, où l’offre de placement est plus faible. La moitié de ces parcours se compose d’un seul placement.


Deux sous‐groupes se distinguent nettement : d’une part, les parcours de « prévention précoce », débutant dans l’enfance et alternant des périodes – souvent longues – en milieu ouvert et des périodes de placements à partir de l’adolescence ; d’autre part, les parcours de « préparation au placement », débutant à l’adolescence et alternant des périodes souvent plus brèves de milieu ouvert et des périodes de placement. Les deux sous‐groupes sont majoritairement masculins. Les jeunes aux parcours de « prévention précoce » restent protégés plus longtemps – principalement en milieu ouvert – que ceux aux parcours de « préparation au placement », et le nombre de placements est plus élevé. Dans les deux cas, les doubles mesures (milieu ouvert et placement) sont très fréquentes.

  • Les « placements tardifs » (20 % de la cohorte) concernent des jeunes entrés très tardivement en protection (vers 17 ans en moyenne) et bénéficiant de mesures de protection « jeunes majeurs ». La prise en charge est de courte durée, souvent moins de deux ans. Seuls 38 % ont bénéficié de mesures en milieu ouvert et 19 % de doubles mesures (milieu ouvert et placement). La brièveté du temps de parcours est associée à la rareté et à la brièveté des retours en famille suivis d’un autre placement. Près de la moitié de ces jeunes – dont les mineurs isolés étrangers – sont nés à l’étranger et les filles y sont relativement plus nombreuses. Alors qu’ils représentent un cinquième des enfants placés, il n’existe pas jusqu’à présent d’étude sur leur devenir.

Des motifs de prise en charge différents selon les parcours

D’une manière générale, les prises en charge précoces sont motivées par la situation familiale des parents. Les jeunes au « parcours en famille d’accueil » sont entrés pour des difficultés familiales et ont connu moins de difficultés de comportements que les autres. À l’inverse, les jeunes au « parcours en collectif » ont connu, en plus des difficultés familiales, des problèmes de comportements, notamment le fait de se mettre en danger. Les trois quarts des jeunes placés longtemps « en collectif sans retour » sont des garçons. Un jeune sur cinq a été placé au moins une fois pour suivre un cursus scolaire spécialisé du fait d’un niveau scolaire insuffisant. Ce sont enfin parmi les jeunes au « parcours en collectif » que l’on trouve les proportions les plus élevées de victimes de maltraitance.
Les jeunes au parcours de « prévention précoce » sont aussi pris en charge pour des motifs liés à la situation familiale, mais les professionnels tentent alors de maintenir l’enfant dans sa famille. Des problèmes de comportement (déscolarisation, délits, etc.) peuvent motiver le placement, même de courte durée. La moitié de ces jeunes ont été victimes de maltraitance.