La situation de l’épidémie VIH/Sida en 2013
Épidémie dans le monde
Dans son bilan pour l’année 2012, l’ONUSIDA estime à 35,3 millions le nombre de personnes infectées par le VIH dans le monde, avec 2,3 millions de nouvelles infections et 1,6 million de décès dans l’année. L’Afrique sub-saharienne est de loin la région du monde la plus touchée (25 millions de personnes infectées), suivie par l’Asie du Sud et du Sud-Est (4,8 millions). Le poids de l’épidémie dans un pays s’exprime par la proportion de personnes infectées dans l’ensemble de la population adulte (ou prévalence). Elle varie fortement d’un pays à l’autre, le maximum étant atteint en Afrique australe : plus de 20 % de la population adulte dans certains pays! Comme le montrent les graphiques de la Figure 1, on observe un net recul de l’épidémie mondiale : le nombre de nouvelles infections a diminué de 33 % par rapport à 2001 et le nombre de décès par Sida a diminué de 30 % depuis le pic survenu en 2005. Néanmoins, le nombre de personnes vivant avec le VIH continue d’augmenter car le nombre de nouvelles infections reste supérieur à celui des décès.
Figure 1. Nombre de personnes vivant avec le VIH, de nouvelles infections à VIH et de décès liés au sida à l’échelle mondiale, 2001-2012
La baisse du nombre de nouvelles infections : une conjonction de plusieurs facteurs
Les efforts de prévention ont certainement joué un rôle important pour réduire le nombre de nouvelles infections, en particulier les changements de comportements sexuels comme le recul de l’âge aux premiers rapports sexuels, l’utilisation des préservatifs et la réduction du nombre de partenaires. L’augmentation du nombre de personnes infectées recevant des traitements antirétroviraux joue aussi un rôle important en limitant la transmission sexuelle (voir ci-après). Egalement, la circoncision masculine mise en place dans des pays à très forte prévalence et où traditionnellement peu d’hommes étaient circoncis, a fait la preuve de son efficacité pour réduire la transmission de la femme vers l’homme.
Épidémies généralisées et concentrées : une épidémie peut en cacher une autre
Pour l’Onusida, une épidémie est dite généralisée lorsque la prévalence du VIH dépasse 1 % dans la population générale adulte (15-49 ans). Si, en revanche, la prévalence du VIH en population générale est inférieure à 1 % mais qu’elle dépasse 5 % dans des sous-populations dites «vulnérables» (comme les professionnel(le)s du sexe, les hommes ayant des rapports sexuels entre hommes ou les usagers de drogues par voie intraveineuses), l’Onusida parle alors d’épidémie concentrée. Depuis 2006, le terme d’épidémie massive est employé pour qualifier les épidémies d’Afrique australe où la prévalence dépasse les 15 %. En Afrique subsaharienne la plupart des pays présentent donc, selon cette définition, une épidémie dite généralisée, mais on y a longtemps ignoré la coexistence d’épidémies « concentrées ».
Une révolution : l’avènement des traitements antirétroviraux
Depuis 1996, on dispose de combinaisons de médicaments
antirétroviraux (trithérapies ou multithérapies) qui empêchent
la multiplication des virus et permettent la restauration du
système immunitaire (dont les cellules sont détruites par le
virus), l’organisme pouvant à nouveau se défendre contre les
infections. En réduisant de façon spectaculaire la morbidité et
la mortalité liées au VIH, ces traitements ont fait de
l’infection à VIH une maladie chronique.
L’impact démographique des traitements a été démontré de
façon remarquable dans une zone rurale du KwaZulu-Natal en Afrique
du Sud où plus d’un adulte sur cinq est infecté : l’espérance de
vie y a augmenté de dix ans depuis 2004, date de la mise en place
des programmes d’accès aux traitements. Le poids sociétal du sida
est fortement allégé : les adultes traités peuvent reprendre
leur activité professionnelle, élever leurs enfants, prendre en
charge leurs parents âgés. Ils font face néanmoins à un nouveau
défi, celui de vieillir avec le VIH : plus de 10 % des adultes
vivants avec le VIH dans les pays à ressources limitées ont
aujourd’hui plus de 50 ans.
Les traitements jouent aussi un rôle pour limiter l’épidémie en
réduisant le risque de contamination des personnes
séronégatives. Cela a été montré dans un essai clinique
international, où, au sein de couples où l’un des partenaires est
infecté et l’autre non, une baisse de 96 % du risque d’infection a
été observée lorsque le partenaire infecté recevait un
traitement.
Au cours des dernières années, on a observé une très forte
augmentation du nombre de personnes bénéficiant du traitement
antirétroviral qui atteignait 10 millions fin 2012. Ce chiffre
représente une couverture de 65 % des adultes ayant besoin d’un
traitement, mais de seulement 34 % des enfants. Le nombre de
personnes traitées devrait considérablement augmenter ces
prochaines années avec la promotion du dépistage ainsi que les
nouvelles recommandations de l’OMS de mise sous traitement plus
précoce dans le cours de l’infection.
Une infection qui concerne de moins en moins les enfants
Le VIH peut se transmettre par voie sexuelle, par voie sanguine ou de la mère à l’enfant (pendant la grossesse, lors de l’accouchement ou par allaitement). En dix ans, on a observé une réduction de moitié du nombre de nouvelles infections chez les enfants de moins de 15 ans du fait de l’utilisation des antirétroviraux chez les femmes enceintes séropositives pour réduire la transmission du VIH de la mère à l’enfant. On estime que fin 2012, environ 63 % des femmes enceintes séropositives ont reçu un traitement préventif. Une nouvelle stratégie a été mise en place dans plusieurs pays à forte prévalence où un traitement antirétroviral simple à vie est initié chez toutes les femmes enceintes dépistées séropositives quelque soit leur stade de la maladie. En plus de prévenir la transmission à l’enfant au cours de la grossesse actuelle et des grossesses suivantes, cette stratégie protège la santé maternelle, réduit la transmission au conjoint séronégatif et contribuerait ainsi à limiter l’épidémie. Néanmoins, l’efficacité de cette stratégie dépend autant de la capacité des systèmes de santé à la mettre en œuvre et à la maintenir sur le long terme, que de la capacité des femmes à prendre leur traitement à vie.
Les nouveaux enjeux de la prévention
Nous avons évoqué plus haut la dimension préventive du traitement antirétroviral. Des modèles mathématiques suggèrent que la mise en place d’un dépistage universel et répété (pour identifier les personnes infectées le plus vite possible) accompagné d’une mise sous traitement immédiate des personnes infectées, pourrait vaincre l’épidémie en 30 à 40 ans dans des pays comme l’Afrique du Sud. Une telle stratégie, nommée « TasP » pour Treatment as Prevention, est en cours d’évaluation dans le cadre d’études cliniques en Afrique australe pour mettre en regard le bénéfice collectif (baisse des nouvelles infections) et les bénéfices individuels (amélioration de la santé pour les personnes traitées elles-mêmes).
Une autre stratégie de prévention est le traitement pre-exposition (ou PrEP an anglais) qui consiste à fournir un traitement de manière continue ou ponctuelle (par exemple juste avant un rapport sexuel potentiellement à risque) à des personnes séronégatives. Là encore, plusieurs essais sont en cours dont l’essai IPERGAY en France.
La recherche sur le vaccin, initiée depuis vingt ans, se poursuit, mais les prototypes vaccinaux se sont jusqu’ici révélés peu efficaces ou inéfficaces.
Quelques cas de contrôle de l’infection après interruption du traitement ont fait naitre un espoir de « guérison » alors que, jusqu’à présent, ce n’est qu’au prix d’un traitement à vie que les personnes infectées accèdent à une vie quasi normale. Plusieurs recherches sont menées aujourd’hui dans ce sens et suggèrent encore l’intérêt de commencer un traitement le plus précocement possible après la contamination.
Plus que jamais, Prévention et Traitement sont indissociables. Encore fait-il que les individus connaissent leur statut VIH. L’information du public, l’accès aux diverses méthodes de prévention, au dépistage et aux traitements sont les meilleurs moyens d’enrayer l’épidémie.
Contact : Joseph Larmarange (IRD, Ceped) et Sophie Le Cœur (Ined)
Mise en ligne : décembre 2013