Qu’est-ce que signifie le fait de pouvoir se remémorer sans délai sa date de mariage ou de pacs ?
À partir des données de l’enquête « Étude des parcours individuels et conjugaux » réalisée par l’Ined et l’Insee fin 2013 - début 2014 auprès de 7825 personnes de 26 à 65 ans en France métropolitaine, les chercheurs Wilfried Rault et Arnaud Régnier-Loilier ont étudié le rapport entre le temps de réponse pour indiquer sa date de mariage ou de pacs à une enquêtrice ou un enquêteur et les significations individuelle et sociale associées à ces événements. La spontanéité des réponses varie-t-elle en fonction du type d’union (mariage ou pacs) ? Femmes et hommes se souviennent-ils des dates de la même manière ? Cette spontanéité a-t-elle à voir avec les raisons pour lesquelles on se marie ou l’on se pacse, sachant que le pacs peut être choisi pour des raisons très diverses ?
Date de mariage versus date de pacs
81 % des personnes mariées donnent spontanément leur date de mariage et seules 7 % ne se souviennent plus du jour de l’événement ; 42 % des pacsées ne restituent pas spontanément la date d’enregistrement de leur pacs et 37 % ne savent plus le jour. Que le mariage remonte à quelques années ou soit plus récent, sa date est généralement connue, ce qui ne se retrouve que partiellement pour le pacs. Parmi les enquêtés dont l’union a été contractualisée entre 2011 et début-2014, si 89 % des mariés communiquent spontanément leur date exacte de mariage, seuls 50 % des pacsés répondent sans délai. Au sein de cette même cohorte, 3 % des mariés ne connaissent pas la date précise de leur union, tandis que c’est le cas de 30 % des pacsés. Le mariage, union historiquement célébrée et publicisée, serait davantage investi que le pacs, forme d’union plus récente ne revêtant pas, pour certains, de dimension symbolique.
Une plus grande spontanéité des réponses chez les femmes
Qu’il s’agisse du mariage ou du pacs, les réponses données par les femmes sont plus immédiates que celles des hommes : 87 % contre 74 % pour le mariage et 49 % contre 35 % pour le Pacs. L’une des explications serait que les femmes accordent davantage d’importance à la contractualisation d’une union, ou, quand elles sont en couple de sexe différent, qu’elles considèrent, plus que les hommes, le pacs comme une alternative directe au mariage auquel elles sont plus enjointes que les hommes. Autre hypothèse : ayant plus souvent effectué les démarches administratives liées au pacs, les femmes se rappelleraient mieux de la date.
Corrélation entre spontanéité des réponses, caractéristiques sociodémographiques et sens donné à l’événement
Pour le mariage comme pour le pacs, plusieurs caractéristiques sont associées à une datation plus spontanée de l’événement : le fait d’être une femme, d’être jeune, d’avoir un niveau de diplôme supérieur à bac + 2 (pour le mariage) ou égal au bac ou plus (pour le pacs).
Mais, au-delà de celles-ci, pour le mariage comme pour le pacs, le fait de motiver le choix de sa forme d’union par des usages à vocation instrumentale (raisons juridiques, administratives, fiscales) réduit la spontanéité avec laquelle on se souvient de la date de l’évènement. À l’inverse, investir une forme d’union de façon symbolique, en l’accompagnant d’une célébration et de ritualisation, s’accompagne d’un meilleur souvenir de la date. Pour le pacs, les contrastes sont toutefois plus marqués que pour le mariage, du fait qu’il est investi de manières très différente selon les personnes.
Ces résultats montrent que le fait de renseigner une date plus ou moins spontanément renvoie au sens que les individus donnent aux évènements, à leur mise en scène et fournissent ainsi un élément de compréhension de la signification sociale de ces évènements.
Source : Wilfried Rault et Arnaud Régnier-Loilier, 2022, Dire sa date de mariage ou de Pacs. La spontanéité des réponses reflète-t-elle le sens des évènements biographiques ?, Revue Française de Sociologie 62: 481-515.
Contact : Wilfried Rault et Arnaud Régnier-Loilier
Mise en ligne : avril 2023