La paléodémographie
Qu’est-ce que la paléodémographie ?
La paléodémographie a pour champ d’études les populations du passé qui n’ont pas - ou peu - laissé de documents écrits permettant d’apprécier leurs comportements démographiques.
Elle est fondée sur des données archéologiques, c’est-à-dire sur l’étude de vestiges matériels et humains. Elle tente, par exemple, de restituer l’évolution du peuplement sur un territoire donné à partir de vestiges matériels (habitats, restes alimentaires, etc.) ou d’appréhender les comportements démographiques des populations du passé à partir de séries de squelettes. Dans cette seconde approche, elle fait largement appel à l’anthropologie biologique car l’étude de restes humains -osseux et dentaires- enrichit la connaissance des populations anciennes, tant dans les domaines sociaux et ethnologiques que sur un plan médical et sanitaire et, bien sûr, sur celui des modes de vie. Cette discipline emprunte pour partie aux méthodes de la démographie historique (discipline qui se caractérise par l’utilisation conjointe de techniques de l’histoire quantitative et de l’analyse démographique) et de la statistique.
Les grands tournants de la recherche en paléodémographie
Il faut attendre les années 1960 pour que l’on puisse
véritablement parler de recherches en paléodémographie. Une
équipe hongroise se consacre alors entièrement à la recherche
expérimentale et tente de reconstituer la structure démographique
d’une population à partir des estimations du sexe et de l’âge
faites sur des squelettes issus de grandes nécropoles
médiévales. Leurs travaux aboutissent, en 1970, à la publication
du premier « manuel » de paléodémographie : History of
Human Life Span and Mortality. Après cette publication, un
véritable engouement pour la paléodémographie touche la
communauté anthropologique mais, dès cette époque, deux
orientations se dessinent...
École nord-américaine versus école française
Les paléodémographes nord-américains concentrent leurs
efforts sur l’estimation d’un âge individuel au décès et sur la
mise au point de tables de mortalité à partir de données de
cimetières. Cependant, accordant trop de confiance à ces données
biaisées, ils parviennent à des résultats peu crédibles. Ces
critiques sont exprimées par les paléodémographes français
-Claude Masset et Jean-Pierre Bocquet-Appel- dès les années 1970,
qui proposent, dans la foulée, des méthodes moins ambitieuses
mais statistiquement plus rigoureuses. La force principale de
l’école française réside dans une remarquable homogénéité des
méthodes, et tout un ensemble de sites, étudiés selon ces
principes, constitue aujourd’hui un véritable échantillon sur
lequel des recherches peuvent s’appuyer.
Depuis 2002, la paléodémographie connaît un regain d’intérêt,
sur les bases d’un consensus méthodologique international. L’Ined
a publié en 2011 le "Manuel de paléodémographie ", fruit
d’une collaboration de longue date entre des
historiens-démographes et des anthropo-archéologues qui ont
toujours eu la volonté de confronter toutes les données
disponibles, pour mieux appréhender quelques-uns des caractères
démographiques des populations anciennes. Cet ouvrage est l’un des
très rares manuels de paléodémographie où les méthodes ont
été testées et affinées sur des données vraies.
Source : Isabelle Séguy, Luc Buchet, 2011, Manuel de Paléodémographie, Ined
Contact : Isabelle Séguy
Mise en ligne : Août 2011