Le Maroc : un pays d’installation pour les retraités français

Où s’installent les retraités Français au Maroc ? Et quel mode de vie choisissent-ils ?

Les chercheurs en géographie sociale, Jordan Pinel et Brenda Le Bigot, se sont intéressés à ces migrations du Nord vers le Sud et ont conduit deux enquêtes qualitatives entre 2014 et 2019 dans la région Souss-Massa (Agadir et Tiznit), auprès de retraités français séjournant entre quatre et six mois de l’année au Maroc (« hivernants ») et de retraités français y vivant à l’année. 

L’étude des migrations s’intéresse surtout aux mouvements des pays du Sud vers ceux du Nord pour des motifs de travail et de formation, plus rarement aux migrations en sens inverse, du Nord vers le Sud. Liées à la recherche d’aménités (climat, coût de la vie notamment), elles sont parfois qualifiées de lifestyle migrations. Inscrites dans la continuité de relations post-coloniales entre la France et le Maroc, ces migrations invitent à penser la figure ambivalente du migrant-touriste et son statut privilégié dans le contexte local.

Pourquoi le Maroc ?

Les retraités français se trouvant dans la région d’Agadir présentent des caractéristiques sociales diversifiées et des profils hétérogènes, sensiblement plus populaires que dans d’autres régions plus attractives du Maroc (le tremblement de terre de 1960 a détruit une bonne partie de son patrimoine, notamment sa médina). 

Le climat, le coût de la vie moins élevé, l’usage de la langue française, la fiscalité ou encore les aspects balnéaires ou liés aux paysages, ainsi que la culture marocaine constituent les attraits de cette destination pour les retraités français interrogés. 

Qu’ils vivent en camping-car ou dans une résidence-villa fermée, la plupart s’était déjà rendue au Maroc auparavant, dans le cadre d’un séjour touristique. 

Une amélioration des conditions de vie et une spatialité choisie

Du fait de leurs positions favorables dans les hiérarchies sociales mais aussi raciales, les retraités français ont le choix d’opter pour un entre-soi (résidence fermée) ou une certaine mixité. 

Il ressort que peu d’entre eux entretiennent des relations amicales avec des Marocains ; leurs principales interactions avec la population locale s’inscrivant dans le cadre d’échanges commerciaux ou avec d’éventuels employés à domicile, par exemple. 

A travers leurs usages et pratiques, les retraités français construisent ainsi leur espace quotidien qu’ils s’approprient à la fois matériellement et symboliquement, conservant en général leur mode de vie même dans ce contexte migratoire. Les espaces qui les intéressent sont parfois en retrait de la zone touristique et différents de ceux fréquentés par les Marocains. Les normes corporelles et de consommations peuvent y être plus européennes (port de vêtements de plage moins habillés, accès à la charcuterie ou à l’alcool). Entre les attentes initiales et l’expérience réelle, des déceptions peuvent survenir. Elles peuvent être liées à la difficulté à se faire des amis marocains mais aussi à des conflits au sein même des groupes de Français, plus ou moins ouverts à la présence de Marocain.e.s dans leurs espaces de sociabilités.

Source : Jordan Pinel, Brenda Le Bigot, Retraité·es français·es au Maroc : des spatialités privilégiées ?, Revue Européenne des Migrations Internationales, vol. 39, n°4, 2023, p. 219-251 

Mis en ligne : octobre 2024