Les migrations d’Outre-mer vers la France métropolitaine : quel recours aux aides publiques ?
Le parcours migratoire de ses frères et sœurs a-t-il une influence sur son propre parcours migratoire ? A-t-on tendance à reproduire le même schéma que ses frères et sœurs en termes de recours à des aides à la mobilité ?
Marine Haddad, chercheure à l’Ined, s’est appuyée sur les données de l’enquête Migrations, Famille et Vieillissement conduite en 2010 pour étudier les comportements migratoires tout en prenant en compte les ressources socioéconomiques. Son analyse s’est concentrée sur les enfants des interviewés qui sont nés dans un des quatre départements d’Outre-mer étudiés (Martinique, Guadeloupe, Guyane, La Réunion) et sont âgés de 15 ans et plus. Ceux qui ont migré ailleurs que dans l’Hexagone, ceux qui ont migré avant quinze ans et les migrants de retour ont été exclus. L’échantillon étudié, composé d’enfants d’enquêtés qui n’ont jamais quitté leur DROM de naissance et d’enfants d’enquêtés vivant dans l’Hexagone au moment de l’enquête compte 13 440 individus. Si plus d’un cinquième d’entre eux réside en métropole, ils ne sont que 10 % à indiquer avoir bénéficié d’une aide à la mobilité.
Des parcours migratoires semblables au sein de l’adelphie
Plus un individu a de frères et sœurs qui ont migré sans recours aux aides publiques, plus ses chances de migrer sans recours aux aides sont grandes, et, au contraire, plus ses chances de migrer avec des aides sont moindres. On observe le même phénomène dans le cas inverse : plus un individu a de frères et sœurs qui ont migré avec l’appui d’aides à la mobilité, plus ses chances de migrer avec l’appui de telles aides sont grandes et ses chances de migrer sans aides sont moindres. Ce schéma peut s’interpréter comme le produit de logiques de mimétisme au sein des réseaux familiaux, notamment par le canal des conseils donnés par les frères et sœurs : ces derniers font le récit de leurs expériences migratoire, d’une part les présentant en général sous un jour favorable et d’autre part indiquant à leurs proches comment suivre le même chemin.
L’influence du milieu familial
Le niveau d’éducation et la catégorie socioprofessionnelle des parents augmentent les chances de migrer des individus, mais leur effet n’interagit que peu avec celui des migrations des frères et sœurs. Dans le cas des migrations sans recours aux aides, l’effet des migrations des frères et sœursne varie ni selon les études des parents, ni selon leur emploi. Dans le cas de migrations avec recours aux aides, le schéma est plus complexe. D’un côté, l’effet positif d’avoir des frères et sœurs qui ont migré avec l’appui d’aides à la mobilité est bien plus grand pour les individus dont les parents appartiennent aux fractions les moins diplômées. De l’autre, phénomène plus surprenant, cet effet est plus grand pour les individus dont les parents appartiennent à des catégories socioprofessionnelles plus favorisées. Difficiles à interpréter, ces variations renvoient à la complexité des mécanismes de recours aux aides publiques, entre connaissance du système, ressources administratives et scolaires, et représentations potentiellement négatives associées à l’assistance.
Source : Marine Haddad, Sibling infuence on migration pathways from the French overseas to mainland France, European Sociological Review, Volume 40, Issue 4
Contact : Marine Haddad
Mise en ligne : décembre 2024