Le cancer : première cause de décès en France
La mortalité pour les principaux types de cancers évolue favorablement en France, mais à des rythmes très variés selon la localisation organique et selon le sexe.
Cancers féminins : des progrès en berne
Entre 2011 et 2021, la mortalité par cancer a décliné régulièrement pour les hommes, mais son recul est plus lent (de moitié) que celui des maladies cardiovasculaires. La baisse du taux comparatif a en effet seulement atteint 14 %, soit un rythme encore un peu inférieur à celui observé au cours de la décennie précédente (– 16 % entre 2001 et 2011). Chez les femmes, la diminution, déjà très faible entre 2001 et 2011 (– 6 %), a été négligeable au cours de la dernière décennie : en 2021 le taux comparatif de mortalité par cancer n’est inférieur que de 0,7 % à son niveau de 2011. C’est la seule grande cause de décès pour laquelle la baisse a été sensiblement plus faible pour les femmes que pour les hommes, même si le taux comparatif de mortalité par cancer demeure très inférieur à celui des hommes, soit 122 pour 100 000 contre 203 pour 100 000 en 2021. En 2021, ces maladies représentent 34 % du taux comparatif de mortalité pour les deux sexes. C’est la première cause de décès en France depuis les années 1980 pour les hommes, depuis 1999 pour les femmes.
Le rôle du tabagisme : environ un adulte sur quatre fume régulièrement
La principale raison de l’évolution différentielle selon le sexe tient à des divergences en matière de comportements tabagiques. La proportion de fumeurs réguliers parmi les hommes âgés de 15 ans et plus a fortement diminué de 1950 à 2000, passant de 70 % à 34 %, tandis qu’elle augmentait pour les femmes, de moins de 10 % à 26 % pendant la même période (Guignard et al., 2015 ; Hill et Laplanche, 2005 ; Pasquereau et al., 2021). La part des fumeurs réguliers dans la population totale est ensuite restée relativement stable, tant pour les hommes que pour les femmes, jusqu’en 2016, puis elle a repris sa tendance à la baisse, atteignant en 2020 28 % pour les hommes et 21 % pour les femmes. La baisse de la consommation de tabac chez les femmes est toutefois trop récente pour se traduire par une baisse concomitante de la mortalité par cancer.
Les hommes meurent trois plus que les femmes d’un cancer de l’appareil respiratoire
De fait, la mortalité par tumeur du larynx, du poumon ou des bronches, principale cause de décès due au tabac, a augmenté de 13 % chez les femmes entre 2011 et 2021, beaucoup moins toutefois qu’au cours de la décennie précédente (+52 % entre 2001 et 2011). C’est le seul cancer en hausse marquée pour les femmes. Entre 2001 et 2021, le taux comparatif de mortalité pour cette cause est passé de 115 à 200 pour 100 000 environ. Pour les hommes, ce taux a au contraire diminué fortement, passant de plus de 715 à moins de 490 pour 100 000 au cours de ces deux décennies. La proportion de fumeurs ou d’anciens fumeurs parmi les hommes continue toutefois à dépasser largement celle des femmes, ce qui explique que le taux comparatif de mortalité masculin pour ce type de cancer est encore trois fois plus élevé que le taux féminin.
Un décalage d’environ 30 ans entre le pic du tabagisme et ses effets épidémiologiques
Pour les femmes, la mortalité pour tous les principaux autres cancers est en diminution depuis 2001. La baisse est particulièrement marquée pour les cancers de l’estomac, avec un taux comparatif en recul d’un tiers entre 2001 et 2021, suivi des cancers du côlon-rectum (-21 %), du sein (-18 %), et des voies aéro-digestives supérieures (-16 %). La baisse a toutefois été faible pour les cancers de l’utérus (-5 %) et de l’œsophage (-1 %). Cette faible baisse pour ces deux cancers pourrait être au moins en partie attribuables à l’augmentation continue du tabagisme féminin pour les générations aujourd’hui âgées de 45 ans et plus (Guignard et al., 2015). L’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère que le décalage entre le pic du tabagisme dans une population et ses effets épidémiologiques les plus marqués est d’environ trente ans. Les femmes qui décèdent donc aujourd’hui de cancers liés à leur consommation de tabac antérieure appartiennent aux générations nées avant 1970. Une quinzaine de localisations (au premier rang desquelles figurent pour les femmes le sein, puis le côlon-rectum, le poumon et, plus loin derrière le col de l’utérus) sont directement concernées, mais les effets négatifs du tabagisme sur la mortalité sont compensés pour certains d’entre eux par les progrès du diagnostic, du dépistage et des traitements (Marant-Micallef et al., 2018 ; Grosclaude et al., 2016). Le rôle positif de ces facteurs a été amplifié pour les hommes par une évolution favorable des comportements tabagiques, si bien que pour eux la baisse a été très marquée pour tous les cancers importants depuis 2001, avec un recul de la mortalité qui a atteint 51 % pour les cancers des voies aéro-digestives supérieurs, 43 % pour l’œsophage, 37 % pour la prostate, 35 % pour l’estomac, 32 % pour le poumon et 26 % pour le côlon-rectum.
Source : Didier Breton, Magali Barbieri, Nicolas Belliot, Hippolyte d’Albis, Magali Mazuy, 2023, L’évolution démographique récente de la France : une singularité en Europe ?, Population 2023 n°3-4
Contacts : Didier Breton, Magali Barbieri, Nicolas Belliot, Hippolyte d’Albis, Magali Mazuy
Mise en ligne : janvier 2020
Mise à jour : mars 2024