Fort excès de mortalité pour les populations immigrées pendant la première vague de la pandémie de COVID-19 en France
Dans une étude réalisée par l’Ined et l’Inserm en partenariat avec Santé publique France et l’Institut Convergences Migrations, des chercheurs [1] ont montré que l’excès de mortalité observé au début de la pandémie de COVID-19, entre le 18 mars et le 19 mai 2020, était bien plus grand pour différentes populations nées à l’étranger que pour la population née en France. Les résultats sont publiés dans la revue Social Science and Medicine.
Une mortalité en excès jusqu’à 9 fois plus élevée parmi les immigrés
Avant la pandémie de COVID-19, au cours des années 2016 à 2019, les taux de mortalité des populations immigrées (mis à part celles originaires d’Europe de l’Est) étaient inférieurs à ceux de la population née en France (voir figure 1). Ce phénomène est observé en temps normal dans les grands pays d’immigration à travers le monde[2]. Lors de la première vague épidémique du printemps 2020, la mortalité en excès des populations immigrées a été beaucoup plus importante que celle des personnes nées en France. L’écart est visible à 70 ans et plus, et il est encore plus prononcé entre 40 et 69 ans. À titre d’exemple, au sein de la tranche d’âge 40-69 ans, les taux de mortalité en excès étaient, dans les régions les plus touchées par la pandémie (Grand‑Est et Ile‑de‑France), 8 à 9 fois plus élevés pour les immigrés d’Afrique sub‑Saharienne et 3 à 4 fois pour ceux originaires d’Afrique du nord, d’Amérique et d’Asie ou d’Océanie que pour les populations nées en France. Du fait de cette inégalité dans la hausse des décès en ce début de pandémie, les niveaux de mortalité globale des immigrés nés en dehors d’Europe, habituellement inférieurs à ceux des personnes nées en France, se sont situés bien au-dessus pendant la première vague. L’impact de cette première vague épidémique de COVID-19 a donc entraîné pour ces groupes de populations un bouleversement inédit de leur profil de mortalité habituel.
Des facteurs explicatifs multiples
Au cours de la première vague de COVID-19, le confinement strict mis en place par les autorités a permis de contenir l’impact de la pandémie sur le système de soins, en termes d’hospitalisations et de mortalité. Cependant, cette période s’est aussi accompagnée d’écarts importants d’exposition au virus entre populations. Dans ce contexte, les facteurs explicatifs de la vulnérabilité spécifique des populations immigrées, et de l’ampleur des écarts de mortalité en excès avant 70 ans, pourraient être multiples et cumulatifs, renvoyant aux inégalités sociales de santé dues :
- à l’environnement et aux conditions de vie (densité des communes de résidence, densité au sein du foyer) et de travail (emplois « essentiels », non-télétravaillables, déplacements en transports collectifs), à l’origine d’un surcroît de risque de contamination, et ;
- à des difficultés de recours aux soins et de prise en charge dans un contexte de saturation des hôpitaux.
En cas de nouvelle pandémie, les résultats de cette étude appellent à porter une attention particulière aux conditions de vie des populations, et à la prévention, l’accès au système de soins et la prise en charge des plus vulnérables.
[1] Myriam KHLAT (Ined), Walid GHOSN (Inserm), Michel GUILLOT (Ined | University of Pennsylvania), Stéphanie VANDENTORREN (Santé publique France), DcCOVMIG Research Team
[2] La plus faible mortalité de nombreuses populations immigrées est inattendue compte tenu de leur situation économique défavorisée. L’explication majeure avancée dans la littérature scientifique est que les personnes qui migrent sont globalement en meilleure santé que l’ensemble de leur population d’origine, et même souvent en meilleure santé que la population de leur pays d’accueil, du moins au moment de leur arrivée. Ce processus de sélection est dénommé “effet migrant en bonne santé”.