L’évolution de l’entourage familial de la population âgée a freiné l’augmentation du recours aux établissements d’hébergement pour personnes âgées
Les projections des besoins en matière d’accueil en établissements d’hébergement pour personnes âgées (EHPA) reposent principalement sur une hypothèse de stabilité de la probabilité de résidence par âge et sexe et parfois en tenant compte du niveau de dépendance. Or, la progression récente de la part des personnes très âgées dans la population n’a pas conduit à une hausse de la résidence en EHPA aussi forte qu’anticipée sur la base de ces critères (8,4% en 2008 à 9,2% en 2015 des plus de 75 ans vivent en institution). S’appuyant sur les enquêtes Handicap-Santé (2008-2009) et CARE (Capacités, Aides, et Ressources des seniors) (2015-2016), les chercheurs ont identifié des caractéristiques additionnelles pour expliquer le recours des plus de 75 ans aux EHPA en France hexagonale et analysé les mécanismes d’évolution au cours de cette période.
Quelles caractéristiques vont de pair avec le maintien à domicile ?
Compte tenu de la littérature sur le sujet, outre l’âge et l’incapacité, les chercheurs ont considéré le statut socioéconomique et la configuration familiale afin de mieux qualifier les ressors du recours aux EHPA. L’introduction de ces caractéristiques dans l’équation explicite effectivement la hausse modérée du taux de recours aux EHPA sur la période étudiée. D’abord, les analyses confirment l’impact du vieillissement démographique (effet de composition par âge) et de l’augmentation de certaines dimensions de l’incapacité qui conduisent à une tendance à la hausse de la résidence en EHPA. Sans le jeu d’autres caractéristiques, le recours aux EHPA aurait été bien plus élevé.
L’étude montre ensuite que l’élévation du niveau de diplôme moyen parmi les plus âgés, contribue à une hausse du recours ; les plus instruits ayant un peu plus recours aux EHPA que les personnes de niveau d’instruction intermédiaire. C’est alors l’évolution des structures familiales des personnes âgées qui a contrebalancé ces effets à la hausse. L’augmentation de la part des personnes en couple et de celles ayant au moins un enfant a contribué à réduire la probabilité de résidence en EHPA. Outre l’effet du réseau social, les caractéristiques familiales jouent indirectement sur la probabilité à rester au domicile ; notamment en ce qu’elles représentent la disponibilité d’aidants potentiels facilitant le maintien au domicile de personnes ayant des difficultés à réaliser seules des activités élémentaires.
Évolution de la propension au maintien à domicile à caractéristiques égales ?
Autre conclusion intéressante : cette analyse permet de mesurer si la propension à l’institutionnalisation des seniors associée à chacune de ces caractéristiques s’est ou non modifiée entre ces deux dates. Par exemple, le fait de vivre avec un conjoint augmente-t-il la probabilité de rester au domicile de la même manière en 2015 qu’en 2010 ? Globalement, les propensions au recours à l’institution associées aux facteurs considérés n’ont pas changé sur cette période.
Les mécanismes d’évolution sur la période ont été induits par les évolutions de structure de la population. Ces résultats invitent à prendre en considération les ressources familiales et socioéconomiques au-delà de l’âge et de l’incapacité dans l’évolution du recours aux EHPA ; il s’agit de suivre tant les évolutions de structure vis-à-vis de ces caractéristiques marquantes que celles liées à de possibles futurs changements dans les propensions à rester au domicile, associées à ces caractéristiques.
Source : Amélie Carrère, Emmanuelle Cambois et Roméo Fontaine, 2023, Le recours aux établissements pour personnes âgées en France (2008-2015) : le rôle de l’entourage familial. Economie et Statistique, 538, 31–48.
Contact : Amélie Carrère, Emmanuelle Cambois et Roméo Fontaine
Mise en ligne : décembre 2023