Écarts de retraite entre les femmes et les hommes : des inégalités structurelles
La réforme des retraites de 2010 en France attribue au système de retraite un objectif de réduction de l’écart de pension entre les femmes et les hommes. Alors que ces inégalités de retraite sont le plus souvent étudiées sous l’angle de l’écart moyen, Carole Bonnet, directrice de recherche à l’Ined, Dominique Meurs, et Benoit Rapoport, chercheurs associés à l’Ined, se sont intéressés aux inégalités selon le secteur public ou privé et le niveau de pensions, celles-ci ayant jusqu’alors fait l’objet de moins d’attention. L’analyse des données de l’Échantillon Inter-régime des Retraites (EIR) de la DREES met en évidence des écarts plus importants dans le secteur privé que dans le public, aussi bien pour les petites pensions que dans le haut de l’échelle
Des inégalités plus importantes dans le secteur privé que dans le public
Les écarts de pension de retraite entre les femmes et les hommes sont plus importants pour les retraités du secteur privé que pour ceux du secteur public, et ce, pour les retraites les plus faibles comme les plus élevées. Les retraites moyennes des femmes sont égales à un peu plus de la moitié de celles des hommes dans le secteur privé, alors que dans la fonction publique, elles représentent en moyenne 80 % de celles des hommes. Cela s’explique en partie par le fait que les femmes retraitées du secteur public ont eu des carrières moins fragmentées que celles du secteur privé et que le calcul du salaire de référence pénalise moins fortement les interruptions de carrière dans le public. La surreprésentation des femmes dans le secteur public pourrait s’expliquer en partie par ces avantages relatifs par rapport au secteur privé.
Pour tenter d’expliquer ces différences entre secteurs, les chercheurs ont décomposé les écarts de pension pour en comprendre les facteurs explicatifs. Quel que soit le secteur, les différences de salaire sont le principal facteur des écarts de retraites entre les femmes et hommes (Figure 1). Ensuite vient la durée de la période de cotisation, avec un effet plus important dans le secteur privé que dans le secteur public (Figure 2).
Les minima de pensions jouent davantage un rôle compensatoire dans le secteur privé
Le montant minimum de retraite joue un rôle très important dans la limitation de l’écart de retraite entre les femmes et les hommes, surtout dans le secteur privé. Dans ce secteur, l’effet de ces minima de pensions permet d’atténuer de près de 8 % l’écart moyen (Figure 2). Sans cette sécurité, l’écart de pension entre les femmes et les hommes serait encore plus grand dans le secteur privé (en particulier en bas de l’échelle). Pour ce qui est du secteur public, la pension minimum de retraite joue un rôle négligeable dans la réduction des écarts entre les femmes et les hommes (Figure 2). Dans ce secteur, les carrières des femmes sont relativement similaires à celles des hommes, avec cependant moins d’accès à des postes élevés.
Des écarts aux origines différentes en haut et en bas de l’échelle des pensions
Les écarts de retraite entre les femmes et les hommes varient selon le niveau de pension, en particulier dans le secteur privé. Pour les petites pensions, ces inégalités de genre sont essentiellement dues aux différences de périodes de cotisation. Cet effet s’affaiblit progressivement à mesure que les niveaux de pension augmentent. Parmi les personnes qui perçoivent les pensions les plus élevées, l’écart de retraite selon le genre s’explique principalement par des différences de salaire de référence. Cet effet demeure toutefois moins marqué dans le secteur public, en raison d’une plus grande homogénéité des parcours de travail, et de la non prise en compte des primes, plus fréquemment perçues dans les emplois à dominante masculine que féminine, dans le calcul des retraites de la fonction publique.
Figure 1 – Distribution des salaires de référence par sexe et type de secteur
Figure 2 - Contributions expliquées à l’écart moyen de retraite entre les hommes et les femmes, par type de secteur
La base de données utilisée : L’EIR (Échantillon Inter-régimes de Retraités) Depuis 1997, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) a constitué une base de données administrative française appelée EIR (Échantillon Inter-régimes de Retraités) qui permet de calculer le total des pensions pour un échantillon anonyme et représentatif de l’ensemble de la population de retraités, en mettant en correspondance les données individuelles sur les pensions des différents régimes de retraite obligatoire. L’EIR collecte également des informations permettant de calculer les pensions : périodes de cotisation, taux de pension, situation à la retraite, augmentations ou réductions des taux de pension en raison d’une retraite anticipée ou différée, salaires de référence, etc. L’EIR 2012 a été conçue pour représenter la population âgée de 35 ans et plus au 31 décembre 2012. Pratiquement tous les régimes de retraite obligatoires participent à l’EIR, à l’exception de quelques très petits. Plus de 70 ont participé à l’EIR 2012, y compris le régime général et d’autres régimes de base, les régimes pour les employés du secteur public et les régimes complémentaires obligatoires. Au total, cet échantillon comprend 109.966 hommes dans le secteur privé et 19.485 dans le secteur public (soit 84.8% des hommes retraités en 2012) et 113.665 femmes dans le secteur privé et 31.383 dans le secteur public (soit 94.0% de femmes retraitées) en 2012. |
Pour en savoir plus :
Bonnet, Carole, Dominique Meurs et Benoît Rapoport. 2020. « Gender Pension Gaps along the Distribution: An Application to the French Case » Journal of Pension Economics & Finance.
Cet article a été publié dans une revue scientifique référencée par les instances d’évaluation.
Mise en ligne : mai 2021