L’avortement sélectif des filles en Asie
En moyenne dans le monde, il naît 105 garçons pour 100 filles. Mais la Chine, l’Inde et d’autres pays d’Asie ou d’Europe orientale enregistrent une proportion anormalement élevée de garçons chez les nouveau-nés, liée notamment à des avortements sélectifs.
Il naît près de 118 garçons pour 100 filles en Chine, environ 117 en Azerbaïdjan ou près de 115 en Arménie, d’après des données recueillies autour de 2010. Ce déséquilibre est lié notamment à des avortements sélectifs, utilisés par certains couples pour choisir le sexe de leur futur enfant. Ils évitent ainsi la naissance d’une fille, mais, bien sûr, rien ne leur garantit d’attendre ensuite un garçon : plusieurs avortements précèdent parfois la naissance d’un fils, qui n’arrive pas toujours.
La conjonction de plusieurs phénomènes
En Asie, l’augmentation de la masculinité des naissances tient à la conjonction de quatre phénomènes :
- la persistance d’une préférence traditionnelle pour les garçons. Les fils perpétuent la lignée familiale et prennent en charge les parents durant leur vieillesse tandis que les filles se mettent généralement au service de leur belle-famille ;
- la diffusion, depuis le milieu des années 1980, de l’échographie, qui permet de connaître le sexe du fœtus ;
- l’accès à l’avortement (légal ou illégal) ;
- la baisse de la fécondité : la probabilité de ne pas avoir de garçon était faible (2 %) lorsque qu’une famille comptait 5 ou 6 enfants (vers 1960). Avec seulement 2 enfants, elle est de l’ordre de 25 %.
Des différences selon le rang de naissance
En Chine, la politique de l’enfant unique a sans doute joué un rôle. Mais elle n’explique pas tout : le même déséquilibre des naissances est apparu au Vietnam ou en Corée. L’excédent de garçons ne s’observe souvent qu’à partir de la deuxième naissance et s’accentue pour les suivantes. En Corée, en 2000, plus de deux tiers des troisièmes naissances étaient masculines. À l’inverse, on constate en Chine un excédent de filles à la deuxième naissance, lorsque la première est masculine : les couples apprécient la naissance d’une fille si elle complète celle d’un garçon, et n’hésitent pas à avorter de fœtus masculins si besoin.
Déséquilibre sur le marché matrimonial
Nombre d’hommes ont désormais du mal à trouver une épouse. De plus en plus, ils vont devoir accepter des unions avec une veuve ou une divorcée ou bien aller chercher une épouse à l’étranger : la migration des femmes à des fins de mariage est en plein essor. L’écart d’âge entre mari et femme pourrait aussi augmenter. Les femmes étant moins nombreuses, moins d’enfants viendront au monde. La croissance démographique des pays concernés pourrait donc ralentir plus vite que prévu et le vieillissement démographique y être plus rapide.
Sources :
- C. Z. Guilmoto, Géraldine Duthé (2013), « La masculinisation des naissances en Europe orientale », Population & Sociétés, n°506
- Gilles Pison (2004), « Moins de naissances mais un garçon à tout prix : l’avortement sélectif des filles en Asie », Population & Sociétés, n°404
Contact : Isabelle Attané, Géraldine Duthé, Christope Z Guilmoto, Gilles Pison
Mise en ligne : 03 novembre 2014