Achille Guillard

Plus que l’inventeur du mot "démographie"...

Les éditions de l’Ined

 

Une formation scientifique


Après des études littéraires au lycée de Clermont-Ferrand, Achille Guillard (1799-1876) devient professeur au collège de Saint-Chamond. D’abord intéressé par la théologie, il entame ensuite des études scientifiques. Élève du botaniste français Nicolas Charles Seringe, Guillard soutient sa thèse de docteur ès sciences en 1835. Devenu lui-même botaniste, il achève des travaux sur « l’inflorescence », ordre de développement des rameaux et des fleurs dans les plantes, montrant que cet ordre est toujours le même pour chaque espèce et obéit à des lois constantes. Guillard est par ailleurs lié à la célèbre famille Bertillon par sa fille, Zoé, qui épouse Louis-Adolphe Bertillon. Une autre de ses filles épouse l’économiste et historien Gustave Hubbard. Zoé et Louis-Adolphe Bertillon auront trois enfants dont Alphonse et Jacques qui connaîtront une réelle notoriété, tout particulièrement Alphonse qui est à l’origine de l’anthropométrie judiciaire.

 

 

Un mot nouveau pour une science nouvelle ? Décoration


Guillard a pour ambition première de définir un champ scientifique qu’il juge central pour toute investigation sur les sociétés, l’étude des populations. Il lui donne un nom - « démographie » - et la définit comme « la connaissance, donnée par l’observation, des lois suivant lesquelles les populations se forment, s’entretiennent, se renouvellent et se succèdent ». Dès l’avant-propos des Éléments de statistique humaine ou Démographie comparée de 1855, Guillard précise l’objet de la science de la population qu’il conçoit d’une manière très large. Il en circonscrit en détail le domaine, qui est de « s’occuper des hommes, de leur état encore précaire, de leurs progrès encore contestés, des lois physiologiques qui les régissent, des lois sociales qui les doivent régir, de l’économie des forces humaines qui est de théorie, et de leur dissipation qui est de fait, de la liberté et de la servitude, du travail obligatoire et du repos mérité, du bien-être par hérédité, de la misère par ignorance, de la naissance et de la mort, de l’argent et du sang, de l’agriculture, du commerce, du gouvernement, de l’industrie, et de quelques autres géhennes ».


La « Loi de population »

L’objet de la recherche démographique s’identifie à la « Loi de population » que Guillard définit comme « la loi ou l’ensemble des lois sous lesquelles l’humanité accomplit son progrès, en quantité d’abord, puis en instruction, en moralité, en vigueur, en bien-être ». Trois variables, la population, les subsistances et le travail, jouent à ses yeux un rôle central par les liens qui les unissent, étant la substance même de la vie humaine. Guillard s’oppose farouchement à Malthus et à son principe de population, défendant la thèse d’un équilibre durable, puisque selon lui « la population se développe suivant la même progression que les subsistances ». Ainsi, selon lui, c’est l’« équation générale des subsistances » qui fonde véritablement la loi de population : « P (la population moyenne) se proportionne aux subsistances disponibles. » Par « subsistances », l’auteur des Éléments entend les conditions générales d’existence, ce qui inclut à ses yeux aussi bien « l’alimentation et les boissons, le vêtement, le couvert, l’air même que l’on respire » que « les conditions morales », parmi lesquelles figurent « la vertu, la joie des bonnes actions, la sécurité que donne l’ordre public appuyé sur la liberté. »
Sa formation de naturaliste, sa personnalité, son culte de la science, son esprit positif et son engagement républicain font d’Achille Guillard une figure importante des sciences sociales au XIXe siècle.