Modes de collecte
Le choix du ou des modes de collecte se situe à la croisée des objectifs et des thématiques de recherche (population cible, sujet et/ou population sensible…), des contraintes méthodologiques et logistiques (existence ou non d’une base de sondage, lieux d’enquête et couverture géographique, caractéristiques et compétences des enquêté-e-s…) et des contraintes financières et de temps.
Principaux supports et modes de collecte
Les questionnaires ont toujours pour support premier le papier ou l’écran d’ordinateur. En revanche, ils peuvent être adressés aux répondant-e-s par plusieurs canaux de communication, la vue et/ou l’audition, et mobiliser un-e enquêteur-trice (questionnaires hétéro-administrés) ou non (questionnaires auto-administrés). Un mode de collecte se définit par le support, le canal de communication et la présence d’un-e enquêteur-trice (personne physique). Dans le cas des écrans, les questionnaires peuvent être administrés «en ligne», via un support Internet, ou localement, sans connexion, sur ordinateur ou tablette.
Les questionnaires auto-administrés
C’est l’enquêté-e qui répond, seul-e.
Le support peut être le papier (Paper and pencil interview ou PAPI) ou l’écran informatique (sur ordinateur, tablette, smartphone, etc. : Computer assisted web-interview ou CAWI). Dans ce cas, c’est la vue qui est mobilisée. Il existe une présentation mixte sur ordinateur, où le questionnaire est visible à l’écran et lu par un automate. Rarement, l’audition seule peut être mobilisée, soit dans le cas de questionnaires CAWI, soit dans le cas de questionnaires sur téléphone : le questionnaire est «lu» par un automate et l’enquêté-e répond en activant les touches de son téléphone ou en formulant une réponse orale (oui ou non). Cette dernière façon de procéder n’est pas utilisée à l’Ined ni dans les enquêtes de la statistique publique.
Les questionnaires hétéro-administrés
Le questionnaire est lu par un-e enquêteur-trice mais les réponses de l’enquêté-e sont recueillies sur un support, papier ou écran (Computer assisted personal interview ou CAPI). Le téléphone peut aussi être utilisé (Computer assisted telephone interview ou CATI).
Afin de faciliter la participation des enquêté-e-s, d’améliorer la représentativité de l’échantillon et d’augmenter le taux de réponse, différents modes de collecte peuvent être combinés. On peut, entre autres, permettre le remplissage d’un questionnaire en ligne mais aussi son impression et ainsi un remplissage papier. Toutes les combinaisons ne sont cependant pas possibles ou souhaitables car il n’est pas équivalent de remplir un questionnaire de façon auto-administrée ou de répondre à un-e enquêteur-trice par exemple. On parle généralement d’effet de mode (écart entre les réponses d’un même individu selon le mode proposé), qui se combine parfois à un effet de sélection (préférence pour certains individus d’un mode par rapport à un autre) dans des situations où plusieurs modes sont proposés.
Chacune de ces méthodes suppose une mise en forme adaptée des questionnaires et un suivi de collecte particulier qui doivent être testés (clarté, filtres, espace de notation, orientation dans le questionnaire, type et périodicité des relances…).
Spécificités des enquêtes longitudinales
Les enquêtes longitudinales, de type rétrospectif (biographique par exemple) ou prospectif (suivi de cohorte, enquêtes à passages répétés), connaissent un développement croissant. Les diverses expériences menées à l’Ined permettent d’en pointer certaines spécificités, méthodologiques et/ou éthiques, pour la plupart liées à la gestion du temps (dans le questionnement comme dans le protocole d’enquête).
Les enquêtes rétrospectives : des outils disponibles
Depuis les années 1980, des outils particuliers ont été mis au point, développés et enrichis au fil des expériences d’enquêtes (à l’Ined et ailleurs) pour recueillir, de façon quantitative, des biographies. L’usage de calendriers (de type «fiche Ageven», grille biographique ou «Life Event History Calendar») facilite la remémoration et la collecte des événements qui jalonnent la vie des individus. Adaptables à différentes problématiques, ces outils de collecte biographique ont aussi été éprouvés sur une grande diversité de terrains et de populations (du Nord comme du Sud).
La manipulation de ce type de questionnaire requiert une solide formation des enquêteur-trice-s et suppose une durée des entretiens généralement longue. En revanche, leur structure de base est simple, adaptable et favorise la collecte de données rétrospectives complètes et de qualité. Il importe toutefois, lors de l’élaboration du questionnaire, de concevoir des modalités de réponse non dépendantes du temps, adaptées aux différentes époques (ou contextes) que traversent les répondant-e-s tout au long de leur vie.
Les enquêtes prospectives : lutter contre l’attrition
Le suivi des répondant-e-s d’une vague d’enquête à l’autre constitue bien sûr un point central et spécifique des enquêtes prospectives. En effet, l’un des principaux enjeux d’un suivi longitudinal est de limiter l’attrition (c’est-à-dire l’abandon ou la perte de vue de personnes participantes à l’enquête). Souvent sélective, celle-ci peut compromettre la représentativité de l’échantillon au fil du temps, et donc la fiabilité des analyses. Il est donc particulièrement important de soigner les liens entre concepteur-trice-s de l’enquête et enquêté-e-s en assurant des contacts relativement fréquents (mais pas abusifs) avec les répondant-e-s.
L’enjeu est double. Sur le plan logistique, il s’agit de maintenir à jour les coordonnées des répondant-e-s en se dotant des moyens de repérer et de récupérer les adresses, numéros de téléphone, emails… qui ont changé entre deux vagues de collecte. Sur le plan méthodologique et éthique, il s’agit de maintenir l’intérêt et la collaboration des répondant-e-s. Divers types de contacts peuvent être utilisés à l’un ou à l’autre effet (ou aux deux) :
- Envoi d’une plaquette de présentation de l’enquête (avec logo de l’enquête),
- Envoi d’une lettre-avis annonçant la future vague de collecte, information par affiche ;
- Envoi d’une lettre de remerciements après une vague de collecte, envoi d’une carte de vœux… ;
- Envoi de résultats synthétiques et « grand public » après une vague d’enquête ;
- Information régulière sur un site Internet dédié à l’enquête ;
De même, afin de minimiser les personnes «perdues de vue», il est également usuel de collecter les coordonnées de personnes dites «relais», susceptibles de communiquer les coordonnées de l’enquêté-e si le lien est rompu.
La qualité du suivi a un impact fort sur la qualité de la cohorte et des données collectées, il est donc important de prévoir le temps et les moyens nécessaires à une gestion permanente et sur le long terme de ce suivi.
Les enquêtes prospectives : enjeux et utilisations
La première vague d’enquête, qui établit le premier contact avec l’enquêté-e, est déterminante. S’il ne s’agit pas d’une enquête auto-administrée, un questionnaire en face-à-face semble plus susceptible d’’obtenir une meilleure accroche et de maintenir un meilleur taux de participation aux vagues suivantes. Les entretiens téléphoniques sont donc souvent employés après la première vague.
Sur le plan de la collecte des données, l’idée (et l’intérêt) d’un suivi longitudinal : observer le même objet aux temps T1, T2 et T3… afin d’étudier son évolution et de pouvoir comparer les changements d’une vague à l’autre ; un tel suivi comporte aussi certaines spécificités et implications en termes de conception du questionnaire.
En intégrant des questions répétées à chaque vague, il importe de veiller à la continuité de la formulation des questions, des modalités de réponse et de codification, des noms de variables… La continuité et la cohérence des informations collectées d’une vague à l’autre ne sont toutefois pas pour autant toujours assurées.
Pour réduire les éventuelles incohérences entre les données de deux vagues d’enquête, il est possible de mobiliser et d’introduire dans le questionnaire d’une vague V certaines des informations collectées dans une précédente vague V-1 (« dependent interview »). Plusieurs options s’ouvrent alors :
Disposer de l’information pour memo pour l’enquêteur, sans la dévoiler à l’enquêté en dehors de cas d’incohérence.
La vérification des données et la levée des incohérences en cours d’entretien est néanmoins délicate : « vous me dites que vous êtes, « célibataire, jamais marié » mais nous avions enregistré que vous étiez marié à la précédente vague d’enquête, est-ce une erreur ? » ;
S’appuyer sur l’information connue, et l’intégrer directement dans la formulation de la question : « la dernière fois, vous étiez « chef de chantier »…, est-ce toujours le cas ? ».
Si cela peut permettre de réduire incohérences, durée d’entretien et effets de redondance ou de lassitude, ce type de procédure peut néanmoins amener l’enquêté à gommer les changements intervenus entre les deux vagues d’enquêtes.
De même, la formulation des questions doit permettre de retracer les changements intervenus entre deux vagues de collecte, même si le statut de l’individu n’a pas changé en lui-même. Par exemple, on peut être marié en V1 et toujours marié en V2, mais pas avec la même personne.
De façon plus générale, et en se situant dans une optique de long ou de moyen terme, le questionnaire doit aussi permettre de collecter les informations désirées sans toutefois décourager les répondants par une charge et une durée de questionnement trop lourdes.
Consentement des enquêté-e-s et confidentialité de leurs réponses :
Les collectes étant nécessairement nominatives, les impératifs de confidentialité et de protection des données sont particulièrement importants et doivent être soigneusement pensés et anticipés. Le protocole mis en place doit être déclaré à la Cnil. Par ailleurs, l’information aux enquêté-e-s présente aussi quelques spécificités. Les personnes doivent être clairement informées des objectifs et différentes étapes de l’enquête envisagées, du devenir des données et des personnes qui y auront accès.
Le consentement (éclairé) des enquêté-e-s, initialement requis, doit rester libre au cours du temps, ce qui signifie qu’un-e enquêté-e peut revenir sur sa décision. Par ailleurs, un nouveau consentement doit être demandé si le projet connaît des modifications importantes.