Le projet ChIPRe, dans le cadre duquel la première enquête quantitative française spécifiquement dédiée aux immigrés chinois en Île-de-France a été réalisée, documente différentes dimensions de cette immigration. Deux hypothèses centrales président à ce projet de recherche : 1) La population chinoise immigrée résidant en Île-de-France ne forme pas un groupe homogène du point de vue des régions d’origine en Chine, de ses caractéristiques sociodémographiques et de son incorporation économique et sociale à la société majoritaire. 2) Il existe une forte segmentation de cette population, liée notamment au parcours pré-migratoire des individus, à leur niveau d’éducation, à leur région d’origine en Chine et aux ressources et réseaux d’entraide mobilisables après l’installation dans le pays d’accueil dans le cadre d’une éventuelle communauté d’origine régionale. L’enquête a recouru à une méthode d’échantillonnage innovante (Network Sampling with Memory) afin de : recueillir des données quantitatives permettant d’enrichir les connaissances sur les Chinois vivant à Paris ou en région parisienne ; mesurer l’hétérogénéité de cette population (région d’origine en Chine, caractéristiques socio-économiques) ; explorer les liens entre les groupes d’origines géographiques différentes, de même que le rôle des réseaux de sociabilité dans la recherche d’emploi et la mobilité sociale des nouveaux entrants ; tester l'existence d’un modèle «d’assimilation sélective» de la population chinoise immigrée à Paris et en région parisienne ; décrire ses expériences des discriminations. La perspective de genre est transversale à l'ensemble des analyses.
Les immigrés chinois en France (105 000 en 2017) se placent en 5e position dans le classement des immigrés non-européens et en 4e position dans celui des nationalités admises au séjour. Une abondante littérature, qui s’appuie surtout sur des approches qualitatives ou historiques, analyse leurs caractéristiques, soulignant notamment une diversification des provinces d’origine en Chine qui redessine les dynamiques migratoires en provenance de ce pays, de même qu’une féminisation des flux d’entrée. Toutefois, en dépit d’une croissance de plus de 8% par an en moyenne entre 1982 et 2017 (six fois plus rapide que celle des autres immigrés), la population chinoise immigrée reste relativement méconnue sur un plan quantitatif.
1) Décrire les caractéristiques socioéconomiques et de la population née en Chine et vivant à Paris ou en région parisienne et en mesurer l’hétérogénéité 2) Décrire les parcours pré- et post- migratoires et mettre au jour les facteurs intervenant dans la décision d’émigrer et dans le choix de la France 3) Décrire les liens entre les groupes d’origine géographique différente, de même que les facteurs éventuels de segmentation (homophilie sociale) 4) Évaluer le rôle des réseaux de relations et des interactions entre pairs dans l’adaptation des immigrants chinois à la société d’accueil (notamment concernant la recherche d’emploi, de logement, etc.) 5) Mesurer les discriminations perçues dans la sphère publique (administration, milieu scolaire ou professionnel, etc.) 6) Mettre au jour les différences entre les sexes et les spécificités de genre dans les parcours migratoires et l'incorporation à la société d’accueil.
La méthode Network Sampling with Memory (NSM) est particulièrement adaptée pour des enquêtes auprès de populations rares et/ou difficiles à atteindre. Elle a permis de constituer un échantillon de 501 immigrés chinois vivant dans les départements franciliens, où résident les deux tiers des immigrés chinois en France. Elle a également permis de recueillir des données sur la nature, la structure et l’étendue des réseaux de sociabilité des personnes interrogées (1 705 personnes au total), qui sont rarement étudiées dans les enquêtes sur la migration malgré leur rôle crucial dans les décisions migratoires et l’adaptation des immigrants à leur société d’accueil.