Cet axe de recherche s’intéresse aux interactions entre les personnes et les espaces qu’elles habitent. D’un côté, les individus à travers leurs mobilités, leurs pratiques sociales, l’avancée dans leur parcours de vie et les évolutions de leurs situations professionnelles et familiales contribuent à (re)modeler les espaces qu’ils habitent, fréquentent (et quittent), ne serait-ce que leur composition démographique et sociale. De l’autre, les territoires habités, hiérarchisés socialement, marqués par des modes de vie et de relations plus ou moins conflictuelles entre groupes sociaux ainsi que plus ou moins dotés de ressources, pèsent sur les destinées sociales des habitant·es ou sur leurs choix de mobilités. Ces deux entrées que sont l'individu et le territoire, souvent étudiées séparément, se répondent mutuellement et s’enrichissent l’une et l’autre.
Les mobilités et l’accès au logement sont de longue date des champs de recherche centraux de l’unité LIST. Les questions de mesure et d’analyse des mobilités des populations (qu’elles prennent la forme de migrations internes ou de mobilités intra-urbaines) répondent à des enjeux importants liés aux dynamiques de peuplement et de ségrégation, ainsi qu’aux inégalités d’accès au logement et de conditions de vie. Nos travaux en cours étudient ainsi le rôle que jouent le logement, et plus largement l’espace résidentiel, dans la dynamique contemporaine des inégalités. Ces travaux s’attachent à saisir les conditions de vie des ménages, l’accès à différents types et statuts de logements et de territoires, ainsi que les interactions de ces situations avec les trajectoires sociales, professionnelles, familiales et migratoires de leurs membres. Les recherches de cet axe sont particulièrement attentives aux rôles des politiques publiques et des grandes évolutions économiques et sociales. Les dynamiques contemporaines, telles que les impacts de la crise sanitaire, de la crise du logement, de la montée des enjeux climatiques et environnementaux et des usages du numérique, prennent une place croissante dans les questions de recherche de cet axe. Les recherches menées articulent différentes échelles d’analyse autour du logement, comprenant le voisinage et le quartier. Cette approche permet d’étudier des pratiques de coprésence et de ségrégation à l’échelle de territoires ainsi définis, ainsi que les dynamiques de socialisation liées au logement, au voisinage, au quartier, ou encore à la commune de résidence, qui renvoient à la notion classique de « styles de vie ». Une attention est aussi portée aux différentes formes de mobilité qui se déploient à partir du logement (mobilités quotidiennes, séjours temporaires, mobilités circulaires, etc.), liées au travail, aux pratiques familiales ou récréatives.
Les recherches qui nourrissent cet axe peuvent se classer en trois groupes mêlant les entrées individus et territoires ainsi que différentes échelles spatiales d’intérêt. Un premier ensemble de travaux vise à saisir, d'une part, le rôle et les effets du contexte résidentiel dans la société française contemporaine et pour différents groupes d'individus, et d'autre part, la manière dont les individus se l'approprient, à la fois par les réseaux de relations qu'ils y nouent et par leurs manières d'investir les lieux. Un deuxième ensemble de travaux se centre sur l’étude des mobilités spatiales et des trajectoires individuelles tout en restant attentif aux effets territoriaux qui s’y jouent. Les mobilités résidentielles, leurs inscriptions spatiales, leurs déterminants et leurs logiques sociales font partie des objets de recherche privilégiés et sont analysés au regard d’enjeux actuels tels que les effets conjoints de la crise sanitaire et de la crise environnementale sur les choix résidentiels des ménages. Enfin, un dernier groupe de travaux s’intéressent aux transformations des territoires, analysées sous l’angle des inégalités spatiales. Les phénomènes de ségrégation résidentielle sont explorés en s'intéressant à diverses catégories de population (selon le groupe socio-professionnel, l’origine géographique, la classe d'âge), ainsi qu’en tenant compte d’une grande diversité de processus de transformation des territoires opérant à des échelles spatiales et temporelles variées.
Les travaux développés au sein de cet axe s’appuient sur des projets collectifs et des données administratives ou de la statistique publique (données du recensement ; enquêtes Logement; Échantillon démographique permanent, etc.) et des enquêtes originales produites à l’Ined, souvent articulées avec des matériaux qualitatifs, sous forme d’entretiens ou d’observations. Le projet Fresque, initié en 2017, au sein duquel les trois enquêtes biographiques de l'Ined (Triple Biographie (1981) auprès des générations 1911-1935, Peuplement et Dépeuplement de Paris (1986) auprès des générations 1926-1935 et Biographies et Entourage (2001) pour les générations 1930-1950) ont été compilées afin de mener des analyses socio-historiques des trajectoires d’habitant∙es de l’agglomération parisienne tout au long du XXe siècle. L’unité LIST a porté, en 2018 et 2019, l'enquête Mon quartier, mes voisins, (https://data.progedo.fr/studies/doi/10.48756/ined-IE0253-2815) en partenariat avec le centre Max Weber. Cette enquête, conduite auprès de 2 572 individus, s'appuie sur un mode d'échantillonnage singulier et innovant. Celui-ci implique d'une part une enquête multi-sites dans 14 quartiers déclinés en sept contextes résidentiels en régions parisienne et lyonnaise, de manière à rendre possible des analyses d’effets de quartier. Le protocole élaboré permet par ailleurs de cartographier et d’analyser les réseaux de relations et de sociabilité dans différents espaces. La post-enquête par entretiens a permis d’approfondir l’analyse des relations de voisinage de 210 individus. Le projet « Quitter Paris pour vivre à la campagne » suit la mobilité résidentielle des ménages à la suite du confinement au cours de plusieurs années. Il s’appuie notamment sur le suivi rapproché de ménages issus de la bourgeoisie culturelle parisienne, partant de quartiers en gentrification pour s’installer dans des espaces géographiques et résidentiels très divers. Chaque membre du couple est interrogé avant et après le départ, puis suivi dans les espaces habités. Le projet ANR Oposom s’intéresse à la multi-localisation des positions sociales et au rôle des circulations des ménages dans la stratification sociale en France. Ce projet, qui débute en 2024, associe l’exploitation de différentes bases de données de la statistique publique (EDP, enquêtes Logement, Famille et Logement, etc.), ainsi que des données notariales sur les transactions immobilières (Perval) et la collecte d’entretiens. Cet axe de recherche contribue enfin au le développement d’outils ouvert à différents publics. Développé au sein du laboratoire Géographie-cités (CNRS), en collaboration avec des membres de l'unité LIST, le Mobiliscope (https://mobiliscope.cnrs.fr/fr) fait l'objet d'un partenariat avec l'Ined depuis 2021. Le Mobiliscope est un outil libre de cartographie et d'analyse de la composition des territoires à différents moments de la journée. Il s'appuie sur les enquêtes de type Origine-Destination pour modéliser la composition sociale des territoires heure par heure, dans les différents secteurs de 49 agglomérations françaises, 6 grandes villes canadiennes et 3 agglomérations en Amérique latine.