Disparités géographiques de mortalité : analyser les causes de décès pour éclairer la transition sanitaire

L’analyse des causes de décès en termes de causes multiples offre un autre angle d'analyse des évolutions de la mortalité par causes, d’autant plus utile que les décès surviennent de plus en plus souvent à des âges où la co-morbidité est fréquente.

A l’aube des années 1960, dans les pays où la mortalité était basse, les bénéfices du recul de la mortalité infantile et des maladies infectieuses étaient pratiquement épuisés. L’espérance de vie pouvait d’autant moins continuer à progresser que s’étaient développées depuis quelques décennies de nouvelles causes de décès, plus ou moins directement liées aux mutations économiques et sociales du XXe siècle : alcoolisme, tabagisme, accidents de la circulation, etc. C’est ainsi qu’au début des années 1970, la théorie de la transition épidémiologique vouait l’espérance de vie à la stagnation dans les pays les plus avancés . Pourtant, dès le début des années 1970, la plupart de ces pays ont renoué avec l’allongement de la vie, en partie grâce au développement de politiques efficaces en matière de lutte contre les maladies de société et aussi grâce aux succès remportés contre certains cancers et, essentiellement contre les maladies cardio-vasculaires, qui, avec l’effondrement des maladies infectieuses, avaient pris le devant de la scène. L’événement a été assez marquant pour être qualifié de « révolution cardio-vasculaire ».
Mais ces progrès n’ont pas été observés partout en même temps. En particulier, l’incapacité avérée des pays d’Europe Centrale et de l’ex-URSS à franchir ce cap a ébranlé la thèse d’une convergence générale de la mortalité vers une espérance de vie maximum. Plus récemment encore, la croissance de l’espérance de vie marquait le pas aux États-Unis. Divers travaux ont par ailleurs mis en lumière une aggravation des inégalités internes, entre régions ou entre sous- groupes de population. L’hétérogénéité géographique est ainsi très marquée aux États-Unis et en Russie.
Ces évolutions relativement récentes sont encore mal comprises. Elles ne mettent pas seulement en défaut la théorie de la transition épidémiologique ; elles remettent aussi en question les efforts faits par la suite pour compléter cette théorie ou pour introduire le concept de transition sanitaire. L'idée de cycles historiques de divergence-convergence entre pays a ouvert la possibilité d’une nouvelle lecture - et donc compréhension - des évolutions récentes de la mortalité. L’analyse des causes de décès en termes de causes multiples offre un autre angle d'analyse des évolutions de la mortalité par causes, d’autant plus utile que les décès surviennent de plus en plus souvent à des âges où la co-morbidité est fréquente. La pandémie de Covid-19 a rendu ce problème des co-morbidités très concret, en même temps qu’elle renforce les interrogations sur le « modèle » à venir d’évolution de la mortalité.

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