Pratiques parentales et enfance

Ce projet vise d'abord à décrire comment et avec qui les enfants vivent, en mettant l'accent sur les ménages complexes, et les trajectoires. Les conditions de vie et la mesure de la pauvreté des enfants seront également prises en compte. Deuxièmement, l'évolution des normes relatives à la parentalité sera prise en compte, en particulier en ce qui concerne les pratiques parentales, la socialisation, la transmission des valeurs, etc.

Les politiques publiques en direction des familles et des enfants ont évolué au cours des dernières années. Comme dans d’autres pays, le bien-être des enfants, la responsabilité des parents et la transmission intergénérationnelle de la pauvreté et des conditions de vie défavorisées sont devenus des thématiques centrales. De nouveaux dispositifs de « soutien à la parentalité », s’adressant aux parents et futurs parents, se développent en France comme dans d’autres pays. Cet intérêt des politiques publiques envers les enfants et leurs parents provient d’un double constat.
D’une part, il existe d’importants écarts en matière de santé, de bien-être mental, de réussite scolaire, de conditions de vie, etc., entre groupes d’enfants, selon leurs origines (sociale, économique ou migratoire). D’autre part, ces différences commencent dès le plus jeune âge (Panico, Tô et Thévenon, 2015 ; Grobon, Panico et Solaz, 2019) et ne semblent pas se réabsorber au fil du temps (Unicef, 2018). Si les cadres théoriques suggèrent que les caractéristiques structurelles d’une société sont un élément clé pour comprendre ces écarts, les études scientifiques et les politiques publiques s’attachent le plus souvent à des solutions au niveau des ménages et des parents. Par conséquent, un problème au niveau de la population (inégalités socio- économiques) est expliqué à travers une perspective individuelle (i.e., les parents défavorisés n’adoptent pas les « bons » comportements, avec pour conséquent des effets négatifs sur les enfants).
Pour Annette Lareau (2011) par exemple, la socialisation et l'éducation des enfants se "font" différemment selon les groupes sociaux. La recherche et les politiques publiques considèrent donc que, comme les parents privilégiés adoptent certains comportements et « styles » parentaux plus que les autres, ceux-ci doivent être bénéfiques pour le bien- être de l'enfant et pour rendre compte des écarts observés (Lahire, 2019).
Par ailleurs, les formes de vie et histoires familiales dans lesquelles évoluent les enfants se transforment rapidement. L’augmentation des séparations et remises en couple diversifient les trajectoires familiales des enfants et reconfigurent leur environnement familial. Par exemple, de plus en plus d’enfants naissent et grandissent avec des demi- frères et sœurs mais aussi avec des « quasi » frères et sœurs (enfants sans parent en commun mais vivant avec le même couple « parental »).
La compréhension des contextes de socialisation des enfants est ainsi devenue un thème central mais encore peu investi par la recherche en France. Cet axe vise à étudier les rôles des différents acteurs de cette socialisation, les contextes dans lesquels ces rôles se jouent, et à interroger leur contribution à créer ou non les conditions du bien-être chez l’enfant. Traditionnellement, les chercheurs s’intéressent au contexte économique des ménages qui permet ou non aux parents de financer des biens et services pour leurs enfants. Celui- ci peut aussi peser sur le bien-être des parents, ce qui joue en retour sur leur rôle parental. L’exercice de la parentalité s'inscrit aussi dans un contexte plus large invitant à explorer d’autres facteurs, notamment le rôle du contexte institutionnel (comme les politiques de conciliation famille-travail : Luci-Greulich et Thévenon, 2013 ; Salles, Rossier et Brachet, 2010 ; Gauthier, 2007) ou celui d’autres acteurs du quotidien de l’enfant (grands-parents, frères et sœurs, etc. ; Kitzmann 2018 ; Ette et Ruckdeschel, 2007).