Population 2023 n°3-4
2023
L’évolution démographique de la France. Les comportements des femmes et des hommes sont-ils si différents ?
Didier Breton, Nicolas Belliot, Magali Barbieri, Justine Chaput, Hippolyte D’Albis
Résidence des enfants après la séparation au Québec. Diversité des arrangements et facteurs associés
Arnaud Régnier-Loilier et Amandine Baude
Les temps recomposés des beaux-parents : du temps avec au temps pour les beaux-enfants
Guillemette Buisson et Marie-Clémence Le Pape
Estimer la mortalité aux âges élevés dans les pays à données incomplètes : les estimations basées sur la survie des parents sont-elles affectées par des biais de sélection ?
A. Menashe-Oren, B. Masquelier, B.-S. Schlüter, S. Helleringer
Expérience et intensité du télétravail : quels liens avec le bien-être après une année de crise sanitaire en France ?
Elena Reboul, Ariane Pailhé, Emilie Counil pour l’équipe EpiCov
L’évolution démographique de la France. Les comportements des femmes et des hommes sont-ils si différents ?
Didier Breton, Nicolas Belliot, Magali Barbieri, Justine Chaput, Hippolyte D’Albis
En janvier 2023, la France comptait 68 millions d’habitants, soit 200 000 de plus qu’en janvier 2022. Les naissances ont diminué et les décès augmenté : le solde naturel baisse, atteignant un niveau historiquement faible et inférieur au solde migratoire. En 2022, la France fait partie des 6 pays européens parmi les 27 dont le solde naturel est positif, mais son solde migratoire est relativement faible : l’accroissement de la population française est deux fois moindre que celui de l’UE27. En 2021, les flux d’entrées de personnes venant de pays tiers avec un titre de séjour augmentent par rapport à 2020, pour retrouver leur niveau d’avant la crise sanitaire. En 2022, l’indice conjoncturel de fécondité diminue (1,8 enfant par femme) et atteint son niveau le plus bas depuis 20 ans. Toutefois, le renouvellement des générations nées jusqu’en 1992 semble assuré. La fécondité des hommes est plus forte que celle des femmes, principalement du fait des enfants nés après leur 50 ans. Le recours à l’avortement est en augmentation entre 2021 et 2022, et plus fréquent dans les groupes d’âges auxquels la fécondité est élevée. La part des IVG réalisées par la méthode médicamenteuse continue sa progression, tout comme celles pratiquées par les sages-femmes. En 2022, le rattrapage des mariages qui n’ont pas pu être célébrés en 2020 et 2021 se poursuit. Le nombre de mariages augmente ; en revanche, le nombre de pacs diminue dans les couples hétérosexuels. Cependant, le nombre de pacs augmente pour les couples de même sexe et n’a jamais été aussi élevé. L’écart d’âge entre les conjoints diminue légèrement, mais subsiste notamment pour les couples d’hommes.
Le nombre de décès reste important en 2022 malgré une amélioration de la situation sanitaire : 2 épidémies de grippe et 3 épisodes caniculaires expliquent une surmortalité de 45 800 décès. L’espérance de vie à la naissance augmente en 2022 pour les
hommes et pour les femmes, mais ne retrouve pas son niveau d’avant la pandémie. La France reste l’un des pays d’Europe de l’Ouest dont l’écart d’espérance de vie entre les hommes et les femmes est parmi les plus importants (6 ans), même si cet écart diminue constamment depuis 1980.
Résidence des enfants après la séparation au Québec. Diversité des arrangements et facteurs associés
Arnaud Régnier-Loilier et Amandine Baude
Cet article présente la diversité des arrangements résidentiels après la séparation parentale et examine les caractéristiques associées au partage du temps entre les parents. L’étude s’appuie sur les données de l’Enquête longitudinale auprès des parents séparés et recomposés du Québec conduite en 2018. L’analyse descriptive met d’abord en lumière, sur la base d’un calendrier de 28 nuitées complété par 677 mères et 599 pères, la très grande diversité des organisations résidentielles, avec des transitions entre les deux résidences qui s’opèrent le plus souvent autour du week-end et du mercredi. Un panorama contrasté ressort cependant selon le sexe du parent ayant répondu à l’enquête. L’analyse multivariée permet d’identifier plusieurs facteurs associés aux arrangements résidentiels, tels que le revenu et le niveau d’éducation des parents, leur situation d’activité au moment de la séparation, leur pays de naissance, l’initiateur de la séparation, le contexte relationnel au moment de celle-ci, l’âge et le sexe des enfants. Ainsi, malgré la progression de la résidence partagée au cours des dernières décennies au Québec, d’importants contrastes demeurent quant aux modalités de résidence des enfants après la séparation.
Les temps recomposés des beaux-parents : du temps avec au temps pour les beaux-enfants
Guillemette Buisson et Marie-Clémence Le Pape
En France, l’approche statistique conventionnelle met l’accent sur le critère de la résidence principale pour définir le statut de beau-parent. Ce choix invisibilise la situation de nombreuses femmes qui, sans avoir les enfants de leur conjoint à temps plein chez elles, sont pourtant impliquées dans leur prise en charge. En s’appuyant sur une exploitation de plusieurs enquêtes, cet article interroge ces différences de genre, en analysant les différents profils de beaux-pères et de belles-mères selon le temps passé dans le même logement avec les beaux-enfants et ce qui est fait durant ce temps partagé (répartition des tâches parentales). Il montre que le temps passé par les enfants au domicile ne correspond pas à un profil social particulier de beaux-pères (à l’exception des cas de résidence alternée) tandis que celui des belles-mères est, a contrario, très fortement distinct selon le temps qu’elles passent avec leurs beaux-enfants. Quand ces derniers sont présents au quotidien, les belles-mères prennent davantage en charge les tâches parentales contraintes tandis que les beaux-pères y sont moins impliqués. La présence des enfants n’a donc pas les mêmes effets pour les beaux-pères et pour les belles-mères, révélant ainsi les inégalités sociales et de genre qui se jouent dans les recompositions familiales.
Estimer la mortalité aux âges élevés dans les pays à données incomplètes : les estimations basées sur la survie des parents sont-elles affectées par des biais de sélection ?
A. Menashe-Oren, B. Masquelier, B.-S. Schlüter, S. Helleringer
La mortalité aux âges élevés reste peu documentée dans les pays où les systèmes d’enregistrement et les statistiques de l’état civil sont incomplets. Les enquêtes comportant des questions sur la survie des parents peuvent contribuer à combler cette lacune en fournissant des estimations de la mortalité des plus de 50 ans. Notre article évalue si des biais de sélection pourrait altérer la qualité de ces estimations. Nous analysons les données de trois observatoires de population et de santé regroupant 9 600 femmes et 8 500 hommes. Nous appliquons des modèles de Cox afin d’estimer la mortalité des femmes et des hommes âgés de 50 à 89 ans en fonction du nombre de leurs filles adultes (qui sont généralement les répondantes aux enquêtes). Les résultats indiquent que les personnes sans enfant vivant au moment de l’enquête font face à un risque de décès plus important. Les estimations de mortalité déduites des déclarations sur la survie des parents sont donc susceptibles de sous-estimer les niveaux de mortalité après 50 ans, même si aucun biais systématique n’apparaît clairement. La collecte de données sur la survie des parents constitue finalement un outil prometteur pour mesurer la mortalité aux âges élevés, étant donné le faible risque de biais de sélection.
Expérience et intensité du télétravail : quels liens avec le bien-être après une année de crise sanitaire en France ?
Elena Reboul, Ariane Pailhé, Emilie Counil pour l’équipe EpiCov
Mobilisé massivement pendant la pandémie de Covid-19, le télétravail est désormais une forme installée d’organisation du travail ; or ses effets sur le bien-être des travailleurs et travailleuses restent ambivalents et débattus. S’appuyant sur une enquête longitudinale représentative de la population française (EpiCov), cet article retrace, au moyen d’une analyse de séquences, les trajectoires d’activité de près de 40 000 actifs occupés et, en particulier, l’usage du télétravail pendant la première année de crise sanitaire en France. Il examine ensuite, au moyen de régressions, ses répercussions sur l’articulation vie personnelle/vie professionnelle et la santé mentale dans une période d’accalmie (été 2021) permettant de se rapprocher des conditions de travail habituelles. Dans ce contexte, le télétravail apparaît comme un vecteur fort d’amélioration de l’articulation entre vie personnelle et vie professionnelle, et ce d’autant plus que le nombre de jours télétravaillés est élevé. Ce bénéfice est plus marqué pour les femmes et les parents, et indépendant de l’expérience du télétravail pré-pandémie. Le télétravail ne semble pas, en moyenne, affecter la dépression et les troubles anxieux.