Population 2021, n°4
2021
L’évolution démographique récente de la France : Moins de naissances, de mariages et de migrations, plus de décès... la Covid-19 bouleverse la dynamique de la population française
Didier Breton, Nicolas Belliot, Magali Barbieri, Hippolyte d’Albis, Magali Mazuy
La démographie des mariages de même sexe en Australie : résultats de la première année après leur légalisation
Fiona Shalley, Tom Wilson
« Funestes secrets » et révolution contraceptive silencieuse dans la France du xviiie siècle : « C’est le secret du vinaigrier »
Laura Drewett
Cohérence des données sur les causes de décès à l’échelle infranationale: les exemples de la Russie, de l’Allemagne, des États-Unis et de la France
Inna Danilova, Roland Rau, Magali Barbieri, Pavel Grigoriev, Dmitri A. Jdanov, France Meslé, Jacques Vallin, Vladimir M. Shkolnikov
L’évolution démographique récente de la France : Moins de naissances, de mariages et de migrations, plus de décès... la Covid-19 bouleverse la dynamique de la population française
Didier Breton, Nicolas Belliot, Magali Barbieri, Hippolyte d’Albis, Magali Mazuy
Le 1er janvier 2021, la France comptait 67,4 millions d’habitants soit 120 000 de plus qu’au 1er janvier 2020. Contrairement à de nombreux pays européens, la population de la France n’a pas diminué, mais marque un très fort ralentissement, du fait principalement de la crise sanitaire engendrée par la pandémie de Covid qui a eu des effets sur toutes les composantes démographiques. Les données provisoires indiquent en 2020 une diminution du nombre de titres de séjours d’au moins un an délivrés à des personnes des pays tiers (– 10 000), notamment ceux en provenance de pays d’Afrique et ceux pour cause « familiale » et « humanitaire ». Le nombre de naissances a également fortement baissé, particulièrement 9 mois après le confinement. Cette baisse s’explique par une diminution de nombre de conceptions et non une augmentation des interruptions volontaires de grossesses qui sont en recul, notamment les mois suivant le premier confinement. Mais les deux phénomènes les plus fortement affectés sont, d’une part, les mariages rendus impossibles du fait des règles sanitaires (– 70 000) et, comme on pouvait s’y attendre, la mortalité avec une diminution de l’espérance de vie de 0,56 an pour les hommes et 0,45 an pour les femmes, soit un retour au niveau de mortalité observé 6 ans auparavant.
La démographie des mariages de même sexe en Australie : résultats de la première année après leur légalisation
Fiona Shalley, Tom Wilson
Fin 2017, l’Australie a été le 27e pays à légaliser le mariage de couples de même sexe, mais on sait peu de choses sur les caractéristiques des conjoints. Pour établir le profil démographique de ces couples, un jeu de données sans équivalent concernant tous les mariages australiens en 2018 a été constitué à partir des informations figurant dans les registres des États et des Territoires. Les estimations de la population représentée par ces minorités sexuelles en Australie ont permis pour la première fois de calculer des taux de nuptialité pour la population âgée de 18 ans et plus. Le taux de nuptialité des couples de femmes était supérieur à celui des couples d’hommes, et près de deux fois supérieur à celui des conjoints de sexe différent. Les couples d’époux de même sexe étaient généralement plus âgés, tandis que les mariages de couples de femmes avaient plus de chance de compter des enfants nés d’un précédent mariage. Les données sur le mariage en Australie et les nombreuses observations portant sur les mariages de couples de même sexe dans une sélection d’autres pays sont cohérentes, mais les chiffres enregistrés en Australie ont été supérieurs à ceux mesurés dans les autres pays la première année suivant la légalisation.
« Funestes secrets » et révolution contraceptive silencieuse dans la France du xviiie siècle : « C’est le secret du vinaigrier »
Laura Drewett
La population française a été la première en Europe à effectuer sa transition de la fécondité, devançant les autres pays d’un siècle. On discerne encore mal à ce jour comment s’est opéré au xviiie siècle ce bouleversement : forces socioéconomiques, nouvelles méthodes de contrôle des naissances ou évolution des mentalités. Cet
article étudie dans quelle mesure les spermicides rudimentaires ont contribué au changement de régime de fécondité en France, en montrant comment ils ont été normalisés et démocratisés sous forme de produits féminins intimes aux propriétés astringentes lors de la révolution de la consommation. Étant donné la correspondance entre l’utilisation de ces produits et la transition de la fécondité, on peut se demander si ces astringents étaient devenus de facto des moyens de contrôler les naissances. Cet article montre comment un marché clandestin de romans pornographiques a permis de diffuser des méthodes contraceptives intravaginales auprès
des masses. Une réévaluation des textes philosophiques et démographiques suggère que ces astringents ont pu freiner la fécondité jusque dans les zones rurales. Cette innovation, associée à une révolution de la consommation centrée sur les apparences, a pu accompagner une montée de l’individualisme et émanciper les femmes
par rapport à leur rôle traditionnel de mère.
Cohérence des données sur les causes de décès à l’échelle infranationale: les exemples de la Russie, de l’Allemagne, des États-Unis et de la France
Inna Danilova, Roland Rau, Magali Barbieri, Pavel Grigoriev, Dmitri A. Jdanov, France Meslé, Jacques Vallin, Vladimir M. Shkolnikov
Les pratiques de certification et de codage des causes initiales de décès ne sont pas toutes les mêmes, ce qui peut nuire à la pertinence et la fiabilité des statistiques de mortalité par cause. La cohérence de ces données au sein d’un même pays peut être considérée comme un critère de qualité. Cet article évalue la cohérence à l’échelle
infranationale des statistiques sur les causes de décès en Russie, en Allemagne, aux États-Unis et en France. On estime la part respective des principaux groupes de causes dans les structures de mortalité régionales, et on les compare aux moyennes interrégionales. Ces écarts à la moyenne sont présentés sur des matrices de cartes thermiques qui permettent d’identifier les combinaisons cause-région les plus éloignées des moyennes, les causes présentant une forte variabilité infranationale, ainsi que les régions dont la structure de mortalité est particulière. C’est en France que les données sur les causes de décès sont les plus cohérentes d’une région à l’autre, et en Russie que la part des valeurs aberrantes est la plus élevée. On constate également des différences selon la difficulté à diagnostiquer les causes de décès : la variabilité interrégionale diminue avec le degré de spécificité des symptômes permettant le diagnostic. Plus le diagnostic est difficile, plus les écarts interrégionaux sont importants.