Population 2019, n° 4
2019
L’évolution démographique récente de la France : une singularité en Europe ?
Didier Breton, Magali Barbieri, Nicolas Belliot, Hippolyte d’Albis, Magali Mazuy
Gaëlle Meslay
La séparation chez les couples corésidents de même sexe et de sexe différent
Benjamin Marteau
Comment évoluent les inégalités de performances scolaires au collège ? Un suivi longitudinal des élèves entre la 6e et la 3e
Joanie Cayouette-Remblière, Léonard Moulin
Mortalité, fécondité et croissance démographique au Tibet avant 1950
Thomas Spoorenberg
L’évolution démographique récente de la France : une singularité en Europe ?
Didier Breton, Magali Barbieri, Nicolas Belliot, Hippolyte d’Albis, Magali Mazuy
Le 1er janvier 2019, la France comptait tout juste 67 millions d’habitants (66,99) soit 13,1 % de la population de l’Union européenne des 28. L’année 2018 se caractérise par le faible nombre de naissances (759 000) et un nombre de décès qui dépasse 600 000 pour la première fois depuis l’après-guerre (614 000). Le flux d’entrées d’étrangers soumis à l’obligation d’un titre de séjour est en augmentation (237 742 personnes, + 9 % par rapport à 2016). Ce flux se masculinise du fait de la part croissante des personnes en provenance d’Afrique et d’Asie. La France se caractérise par un taux d’immigration parmi les plus faible d’Europe. Avec un indice conjoncturel de fécondité de 1,87 enfant par femme, la France reste le pays le plus fécond d’Europe. L’indice conjoncturel d’IVG est pour sa part de 0,56 par femme en 2018. Petit à petit, le nombre de pacs rejoint le nombre de mariages (4 pacs pour 5 mariages). Les unions entre personnes de même sexe représente une part stable en 2017 (3,1 % des mariages et 3,8 % des pacs). Enfin, l’espérance de vie augmente encore mais à un rythme ralentit. Elle est la plus élevée d’Europe pour les femmes, ce qui n’est pas le cas pour les hommes (9e). Si la France se démarque par une prévalence faible des décès par maladie cardiovasculaire, la situation est nettement moins favorable pour la mortalité aux âges jeunes et notamment très jeune (mortalité infantile).
Gaëlle Meslay
Depuis 2013, la France a suivi de nombreux pays européens en ouvrant le mariage aux couples de même sexe, mais peu d’éléments permettent d’estimer la proportion et les caractéristiques sociodémographiques des couples de même sexe qui ont choisi de se marier. À partir des données d’état civil sur les mariages, nous montrons que les couples d’hommes sont plus âgés et plus souvent parisiens, tandis que les couples de femmes ressemblent davantage aux couples de sexe différent. En revanche, les couples binationaux sont plus rares chez ces dernières. Ces différences traduisent sans doute des variations genrées dans le rapport à l’institution matrimoniale et une plus grande importance des enjeux juridiques liés à l’adoption pour les lesbiennes. Enfin, ce travail situe les couples mariés par rapport aux couples cohabitants présents dans l’enquête Famille et logements, faisant ainsi apparaître certaines spécificités des couples mariés.
La séparation chez les couples corésidents de même sexe et de sexe différent
Benjamin Marteau
Les couples de même sexe s’inscrivent dans un schéma de diversification des situations conjugales et familiales en Europe. L’enquête Générations et genre (Generations and Gender Survey), utilisée ici pour six pays européens (Allemagne, Belgique, France, Norvège, Pays-Bas, Suède), permet d’analyser l’histoire conjugale des individus et le sexe des partenaires avec qui ils ont cohabité au cours de leur vie. Après avoir tenu compte des erreurs d’encodage du sexe inhérentes à ce type d’enquêtes, nous comparons les risques de rupture des couples formés d’un homme et d’une femme aux couples de personnes de même sexe, avec un modèle de Cox. Ces résultats montrent que les couples de même sexe présentent un risque brut plus élevé de connaître une séparation (2,4 ois) que les couples de sexe différent, mais qui se réduit lorsque les variables explicatives et de contrôle sont introduites dans les modèles. Le mariage et la présence d’enfants constituent deux éléments majeurs augmentant la longévité des couples de sexe différent, situations que les couples de même sexe connaissent moins fréquemment.
Comment évoluent les inégalités de performances scolaires au collège ? Un suivi longitudinal des élèves entre la 6e et la 3e
Joanie Cayouette-Remblière, Léonard Moulin
La focalisation de la sociologie de l’éducation sur les inégalités sociales de réussite d’une part, et d’orientation d’autre part, tend à laisser dans l’ombre les inégalités d’évolution des performances scolaires en France. Or, c’est au fil des trajectoires que se construisent ces inégalités. En s’appuyant sur un échantillon représentatif des entrants en 6e en 2007, cet article s’intéresse aux inégalités sociales d’évolution des performances en français et en mathématiques de la 6e à la 3e. Il montre d’abord que les écarts en fonction de la classe sociale, du sexe et du pays de naissance des parents se creusent pendant les années de collège, au détriment des élèves de classes populaires, des garçons, et des enfants dont les parents sont nés au Maghreb ou en Afrique subsaharienne. Il étudie ensuite le rôle des conditions de scolarisation, démontrant que les évolutions négatives des performances scolaires des élèves dont les parents sont nés au Maghreb ou en Afrique subsaharienne s’expliquent par leur plus forte fréquentation des collèges de l’éducation prioritaire, leur moindre maintien dans les établissements du secteur privé ainsi que leur concentration dans l’agglomération parisienne. Dans le même temps, ces conditions de scolarisation n’expliquent guère l’accroissement des écarts entre classes sociales et sexes.
Mortalité, fécondité et croissance démographique au Tibet avant 1950
Thomas Spoorenberg
L’évolution de la population du Tibet avant 1950 est relativement mal connue. En raison d’un manque de données, les affirmations selon lesquelles la population tibétaine aurait décliné ou augmenté restent fortement influencées par des considérations politiques. Selon deux études basées sur des données locales, les caractéristiques démographiques de villages tibétains avant les années 1950 auraient favorisé un léger accroissement de population. Cet article examine si les niveaux de fécondité et de mortalité de l’ensemble de la population tibétaine en Chine, permettent d’aboutir à une conclusion similaire. Avant 1950, environ 4 enfants tibétains sur 10 mourraient avant l’âge de 5 ans, ce qui correspond à une espérance de vie à la naissance d’environ 32 ans. La fécondité oscillait entre 4,5 et 5,0 enfants par femme. La combinaison de ces estimations démographiques montre que le niveau de fécondité était donc suffisant pour surmonter le risque de déclin causé par une mortalité élevée. Les informations démographiques examinées pour l’ensemble de la population tibétaine en Chine apportent la preuve d’une augmentation de la population tibétaine avant 1950, et corroborent les conclusions basées sur les données locales.