Population 2018, n°1
2018, 182 pages
Le complexe de la dénatalité. L’argument démographique dans le débat sur la prévention des naissances en France (1956-1967)
Virginie de Luca Barrusse
Choix professionnels et écarts de salaires entre hommes et femmes : le rôle des différences de préférences et d’attitudes face au travail
Isabelle Bensidoun, Danièle Trancart
Relier les indices de fécondité générale et par rang de naissance : application à l’Espagne pour les générations 1898 à 1970
Daniel Devolder
Décès de jure, décès de facto : l’impact des présents et des absents non enregistrés sur les taux de mortalité urbaine en Belgique au début du xxe siècle
Tina Van Rossem, Patrick Deboosere, Isabelle Devos
Évaluer la contribution des femmes étrangères à la fécondité du moment en Grèce, 2004-2012
Christos Bagavos, Georgia Verropoulou, Cleon Tsimbos
Exclusion du droit de vote des bénéficiaires de l’aide sociale en Finlande au début du xxe siècle
Elina Einiö, Hanna Wass, Miia Heinonen
Le complexe de la dénatalité. L’argument démographique dans le débat sur la prévention des naissances en France (1956-1967)
Virginie de Luca Barrusse
À partir de 1956, les efforts menés par le Mouvement français pour le planning familial en faveur de l’abrogation de la loi du 31 juillet 1920 réprimant la provocation à l’avortement et la propagande anticonceptionnelle donnent lieu à un intense débat médiatique. Ils aboutiront le 28 décembre 1967 avec le vote de la loi dite Neuwirth. L’argument démographique auquel recourent les intervenants dans ce débat apparaît à la fois le plus insistant et le plus tenace. Ils appellent à la vigilance quant aux conséquences démographiques de la modification de cette loi. Cet article en examine l’argument démographique, c’est-à-dire le recours à un raisonnement faisant
appel à des considérations de nature diverse sur la population en tant qu’unité collective, géographiquement et historiquement située. Il est le produit d’une sensibilité démographique qui conduit à l’expression de valeurs relativement partagées dans l’espace médiatique, en particulier la « valeur natalité » qui traduit la préférence pour un niveau de naissances assurant la croissance démographique.
Choix professionnels et écarts de salaires entre hommes et femmes : le rôle des différences de préférences et d’attitudes face au travail
Isabelle Bensidoun, Danièle Trancart
La réduction des écarts de salaires entre les hommes et les femmes est depuis maintenant deux décennies au point mort. Le fait que les unes et les autres se distinguent en matière de préférences et d’attitudes face au travail constitue une des raisons qui pourrait l’expliquer. Dans cette étude, on examine à partir de l’enquête Génération 1998 à 10 ans réalisée par le Céreq en France, le rôle que les préférences en matière de carrière, l’attitude face au risque ou le rapport à son avenir professionnel peuvent avoir sur les écarts de salaires. Comme ces facteurs sont susceptibles d’influencer non seulement les salaires mais aussi les choix professionnels, une
décomposition des écarts de salaires qui en tient compte est retenue ici. Celle-ci permet en outre de prendre en considération le caractère potentiellement discriminatoire de la ségrégation professionnelle. Les différences de préférences et d’attitudes comptent pour 6,3 % de l’écart de salaires total, soit près de deux fois plus que l’expérience. Elles permettent de réduire la composante inexpliquée des écarts de salaire qui reste toutefois importante. Dix ans après la sortie du système éducatif, le salaire des femmes, inférieur de 21,2 % à celui des hommes, ne devrait en effet l’être que de 8 %.
Relier les indices de fécondité générale et par rang de naissance : application à l’Espagne pour les générations 1898 à 1970
Daniel Devolder
Cet article analyse les relations entre indices de fécondité générale et probabilités d’agrandissement par rang de naissance. Les premiers se réfèrent à toute la population, tandis que les seconds concernent les personnes qui ont eu le même nombre d’enfants. La relation entre ces deux types d’indices est établie en définissant une probabilité d’agrandissement moyenne. Ceci nous permet d’obtenir une échelle unifiée utile pour représenter ces deux types d’indices sur un même graphique. Cette probabilité moyenne peut aussi être utile pour les calculs de fécondité sur des effectifs réduits. Des applications à différents types de données par génération et par année sont présentées. Une décomposition des variations des indices de fécondité générale en fonction de la variation des probabilités, y compris la probabilité moyenne est également proposée. Ces relations et ces méthodes sont appliquées à la fécondité des générations espagnoles nées entre 1898 et 1970.
Décès de jure, décès de facto : l’impact des présents et des absents non enregistrés sur les taux de mortalité urbaine en Belgique au début du xxe siècle
Tina Van Rossem, Patrick Deboosere, Isabelle Devos
Le non-enregistrement de la migration temporaire peut être à l’origine d’écarts importants entre les taux de mortalité selon qu’ils sont calculés sur la base de la résidence légale, effective ou habituelle des personnes décédées. Les taux les plus indiqués sont, selon nous, ceux obtenus à partir de la résidence habituelle. Les résidents habituels sont en effet les plus exposés aux risques attachés à une ville donnée. Les recensements, les statistiques d’état civil et les certificats de décès de Belgique nous permettent de calculer les taux de mortalité de populations ayant leur résidence habituelle dans trois grandes villes belges (Bruxelles, Liège et Schaerbeek) en 1910 et de les comparer aux taux jusqu’à présent calculés selon le lieu du décès. De façon très significative, l’existence d’institutions médicales dans de grandes agglomérations comme Liège et Bruxelles accroît artificiellement les taux basés sur les décès qui surviennent sur leur territoire. Le contraire est vrai pour la commune suburbaine de Schaerbeek : beaucoup de personnes qui y ont leur résidence habituelle décèdent ailleurs. Ces résultats suggèrent que, pour certains groupes d’âges, la surmortalité à Bruxelles au xixe et au début du xxe siècle peut être imputée en partie au grand nombre de personnes décédant dans la capitale sans y avoir leur résidence habituelle.
Évaluer la contribution des femmes étrangères à la fécondité du moment en Grèce, 2004-2012
Christos Bagavos, Georgia Verropoulou, Cleon Tsimbos
L’objectif de l’étude est d’évaluer la contribution de la fécondité des femmes étrangères à la fécondité générale à partir du cas grec entre 2004 et 2012. Plus précisément, il s’agit d’estimer la contribution respective du comportement de fécondité des femmes étrangères et de leur part dans chaque groupe d’âges de la population féminine, à la fécondité de la Grèce. Les taux de fécondité par âge et les indices conjoncturels de fécondité (ICF) sont calculés pour les femmes étrangères et les natives (femmes nées en Grèce de parents grecs) à partir d’estimations de la population et des statistiques de l’état civil des naissances. La fécondité des étrangères est
largement supérieure à celle des natives pour toutes les années, mais les tendances sont similaires pour les deux groupes. Au cours de la période considérée, l’effet combiné de la fécondité des étrangères et de la part qu’elles représentent dans la population entraîne une hausse de l’ICF comprise entre 0,06 (+ 4,4 %) et 0,14 enfant par femme (+ 9,3 %). La contribution des étrangères à l’évolution dans le temps de la fécondité générale est en revanche plus marquée. Au total, les effets de composition ne jouent qu’un rôle mineur et le principal facteur à l’oeuvre dans les variations de la fécondité est le comportement reproductif.
Exclusion du droit de vote des bénéficiaires de l’aide sociale en Finlande au début du xxe siècle
Elina Einiö, Hanna Wass, Miia Heinonen
La Finlande a été l’un des pays précurseurs de la démocratisation en Europe, accordant un droit de vote identique aux femmes et aux hommes dès 1906. En principe, tous les citoyens, quel que soit leur sexe ou leur classe sociale, étaient autorisés à voter ou se présenter à une élection. Toutefois, une fraction de la population adulte était exclue du suffrage : les bénéficiaires réguliers de l’aide sociale. Grâce à des microdonnées uniques à l’échelle internationale de plus de 19 000 personnes bénéficiant d’aide sociale, associées aux registres de population correspondants de deux provinces finlandaises, nous avons estimé dans quelle mesure la déchéance électorale de ces bénéficiaires pendant le scrutin parlementaire de 1911 a créé des disparités d’âge et de sexe parmi les votants. Nos résultats montrent qu’un pourcentage disproportionné de bénéficiaires privés de leurs droits électoraux étaient des femmes et, plus encore, des personnes âgées. L’analyse fournit de nouveaux éléments prouvant les effets discriminatoires cachés d’un des premiers dispositifs de protection sociale. Ce système constituait certes une aide pour les personnes âgées dans le besoin, mais en privait aussi un grand nombre de leur citoyenneté politique et entraînait une inégalité entre hommes et femmes en matière de droits fondamentaux.
Prix TTC : 20,00 €