Population 2014, n°4
2014
Le suicide des personnes écrouées en France : évolution et facteurs de risque
Géraldine Duthé, Angélique Hazard, Annie Kensey
- Le rôle de l’héritage et du revenu du travail dans les choix matrimoniaux
Nicolas Frémeaux - L’avant-garde en termes d’espérance de vie montre-t-elle la voie au reste de la population ?
Domantas Jasilionis, Vladimir Shkolnikov, Evgueni Andreev, Dmitri Jdanov, Denny Vagero, France Meslé, Jacques Vallin - Le rapport à l’école des familles déclarant une origine immigrée : enquête dans quatre lycées de la banlieue populaire
Mathieu Ichou, Marco Oberti - Effets des politiques de congé parental sur les deuxièmes naissances et l’emploi des femmes en Hongrie et en Pologne
Anna Matysiak, Ivett Szalma - Bibliographie critique : santé et société
Suicide des personnes écrouées en France : évolution et facteurs de risque
Géraldine Duthé, Angélique Hazard, Annie Kensey
Le niveau de suicide en prison est actuellement élevé en France : 18,5 suicides pour 10 000 personnes écrouées pendant la période 2005-2010, soit sept fois plus qu’en population générale. Cet article présente l’évolution du suicide depuis le milieu du XIXe siècle, mettant en avant une spécificité croissante du suicide en milieu carcéral par rapport à la population générale. L’analyse porte ensuite sur les associations qui existent entre les risques de suicide et les caractéristiques individuelles, à partir de la base de gestion de l’administration pénitentiaire qui regroupe l’ensemble des séjours sous écrou observés en France entre le 1er janvier 2006 et le 15 juillet 2009. Sur cette période, près de 378 000 séjours ont été observés (correspondant à plus de 221 000 personnes-années) et 378 suicides ont été identifiés. Les résultats confirment la vulnérabilité des personnes en détention provisoire et montrent le rôle prépondérant de l’isolement, qu’il soit physique ou social, ainsi que celui de la nature de l’infraction qui a motivé la mise sous écrou. Si l’amélioration de l’environnement du détenu est un point mis en avant dans les nouvelles politiques de prévention, la nature de l’infraction, comme facteur de risque suicidaire, devrait également être prise en compte.
Le rôle de l’héritage et du revenu du travail dans les choix matrimoniaux
Nicolas Frémeaux
Cet article étudie l’importance du patrimoine hérité dans les choix matrimoniaux en France. À partir des enquêtes Actifs financiers et Patrimoine, nous utilisons l’information disponible sur le patrimoine parental afin d’estimer le patrimoine hérité espéré des individus tout au long de leur vie, ce qui permet d’étudier le patrimoine hérité total. Nous montrons qu’il existe une similarité des conjoints du point de vue du patrimoine hérité. De plus, il est très improbable pour une personne n’ayant pas reçu d’héritage d’épouser un riche héritier (ou une riche héritière). Alors que l’éducation explique la majeure partie de l’homogamie en termes de revenu permanent, elle explique seulement 20 % de la corrélation du patrimoine hérité. Enfin, nous mettons en évidence une faible substituabilité entre héritage et revenus du travail. Ces derniers ne compensent que partiellement un manque de richesse parentale. Nos estimations font état d’un degré d’homogamie relativement stable entre 1992 et 2010. Le degré de substituabilité augmente quant à lui légèrement à la fin de la période d’étude. Deux mécanismes peuvent expliquer ces résultats : le processus de socialisation et l’effet des préférences. Ces nouveaux résultats sont déterminants pour comprendre la dynamique des inégalités et plus particulièrement les conséquences de l’évolution à long terme de l’héritage dans les pays riches.
L’avant-garde en matière d’espérance de vie montre-t-elle la voie au reste de la population ?
Domantas Jasilionis, Vladimir M. Shkolnikov, Evgueni M. Andreev, Dmitri A. Jdanov, Denny Vågerö, France Meslé, Jacques Vallin
Les populations pionnières, bénéficiant les premières de l’augmentation de l’espérance de vie, ouvrent-elles pour les autres groupes la voie vers de meilleures chances de survie et de longévité ? Cette étude a pour but d’identifier dans quelle mesure, en Finlande, en Suède et en Norvège, la population qui n’appartient pas à cette avant-garde pourrait suivre les trajectoires de mortalité déjà tracées par les pionniers aux différents groupes d’âges et pour différentes causes de décès entre 1970 et 1995. Les résultats montrent qu’il n’y a pas eu de convergence systématique des trajectoires du reste de la population vers celles de l’avant-garde. Ils confirment au contraire la théorie selon laquelle chaque changement sanitaire majeur commence par induire
une divergence dans les évolutions de mortalité. En effet, au niveau infranational, loin de connaître avec un certain délai les mêmes progrès que le groupe précurseur, le reste de la population suit son propre chemin de réduction de la mortalité, répondant à des déterminants différents. L’étude montre aussi qu’il faut un temps considérable pour que l’ensemble de la population atteigne les taux de survie dont l’avant-garde bénéficiait en début de période d’observation. C’est le cas notamment de la prévention et du traitement des maladies cardiovasculaires.
Le rapport à l’école des familles déclarant une origine immigrée : enquête dans quatre lycées de la banlieue populaire
Mathieu Ichou, Marco Oberti
Cet article propose une analyse empirique du rapport à l’école des familles immigrées résidant dans des communes populaires de la périphérie parisienne. Les résultats se fondent sur l’analyse multivariée d’une enquête par questionnaires (N = 1 191) ainsi que sur l’exploitation d’entretiens semi-directifs réalisés auprès des parents des élèves de quatre lycées du département de Seine-Saint-Denis. Nous montrons que l’origine migratoire fait des différences dans le rapport à l’école. C’est en particulier le cas pour la plus forte entraide éducative locale et les plus hautes aspirations scolaires des parents immigrés par rapport aux parents natifs de mêmes milieux sociaux résidant dans les mêmes quartiers. Parmi les familles immigrées, ce sont les parents originaires de
Turquie et d’Asie pour qui le rapport à l’école diffère le plus de celui des parents natifs. Les premières ont davantage recours à l’entraide éducative de proximité, alors que les secondes sont caractérisées par des aspirations scolaires nettement plus élevées. Ces résultats militent pour une analyse plus systématique des caractéristiques et des expériences des migrants dans le pays d’origine pour éclairer leurs trajectoires et attitudes dans le pays d’immigration.
Effets des politiques de congé parental sur les deuxièmes naissances et l’emploi des femmes en Hongrie et en Pologne
Anna Matysiak, Ivett Szalma
Cet article analyse la façon dont les droits à un congé parental rémunéré et non rémunéré affectent l’entrée des femmes en emploi après la naissance du premier enfant et le passage à un deuxième enfant. Nous comparons la Hongrie et la Pologne, deux pays de basse fécondité qui partagent de nombreuses similitudes institutionnelles, culturelles et économiques mais qui diffèrent dans les modalités de congé parental. En Hongrie, les droits sont universels et l’allocation est plus élevée qu’en Pologne où elle est conditionnelle aux ressources. Nos résultats montrent que le congé parental rémunéré entraîne des retards importants dans l’entrée des femmes en emploi, mais encourage le passage à un deuxième enfant. Les Hongroises en congé parental sont
plus enclines à concevoir leur deuxième enfant que celles qui travaillent. Quant aux Polonaises, elles ont plus tendance à entrer ou retourner en emploi rapidement après la première naissance. Il semble cependant que le congé parental ait un impact sur le calendrier de la naissance du deuxième enfant, mais pas sur son intensité. Enfin, le niveau d’instruction des femmes ne modifie pas l’effet du congé parental sur le risque de seconde naissance, mais a un effet visible sur le retour à l’emploi après un congé : les femmes très diplômées ont une plus forte propension à reprendre le travail que celles à faible niveau d’instruction, quel que soit le pays.
Prix TTC : 20,00 €