Population 1998, n°3
1998
- Les espérances de vie appliquées à des statuts spécifiques : historique des indicateurs et des méthodes de calcul - Emmanuelle Cambois, Jean-Marie Robine, Nicolas Brouard
- États dépressifs et suicidaires pendant la jeunesse : résultats d’une enquête socio-démographique chez les 25-34 ans - Paul Archambault
- Reconstruire la population féminine du département de l’Hérault entre 1856 et 1906 à partir des données de la Statistique générale de la France - Noël Bonneuil
La variable « ethnie » comme catégorie statistique
- Présentation du dossier - Henri Leridon
- Nationalité et origine dans la statistique française : les catégories ambiguës - Patrick Simon
- Comment décrire les immigrés ? À propos de quelques recherches sur l’immigration - Alain Blum
- Les catégories statistiques utilisées dans les DOM-TOM depuis le début de la présence française - Jean-Louis Rallu
- La généralisation progressive du recueil de statistiques ethniques au Royaume-Uni - Didier Lassalle
Notes et documents
- À propos de l’eugénisme scandinave. Bilan des recherches et travaux récents - Alain Drouard
- Les hugenots en Amérique aux XVIe et XVIIe siècles - Jacques Houdaille
Commentaires
- À propos de l’article de Maks Banens sur « Reconstituer la démographie départementale française du XIXe siècle »
Commentaire d’Etienne van de Walle
Commentaire de Noël Bonneuil
Réponse de Maks Banens
- À propos de l’article d’Hervé Le Bras sur « L’impossible descendance étrangère »
Réponse de Michèle Tribalat
Bibliographie
I. Analyse critique
- Minorités en Islam. Géographie politique et sociale - Planhol (Xavier de)
II. Comptes rendus
- Épidémiologie appliquée. Une initiation à la lecture critique en sciences de la santé - Beaucage (Clément), Bonnier-Viger (Yv)
- Variation in the Human Genome - Chadwick (D.), Cardew (G.)
- Black Demographic Data, 1790-1860 : a sourcebook - Cramer (Clayton E.)
- La révolution de la longévité - Forette (Françoise)
- Chine, Peuples et Civilisation - Gentelle (Pierre)
- East-est Life Expectancy Gap in Europe, Environmental and non Environmental Determinants - Hertzman (Clyde), Kelly (Shona), Bobak (Martin)
- Démographie. Approche statistique et dynamique des populations - Leridon (Henri), Toulemon (Laurent)
- L’histoire, le chiffre et le texte - Le Roy Ladurie (Emmanuel)
- Les scénarios de l’évolution démographique de la Suisse, 1995-2050 - Office fédéral de la statistique
- Le défi démographique : perspectives pour la Suisse -Office fédéral de la statistique
- La population de la France de 1789 à nos jours. Données démographiques et affrontements idéologiques - Ronsin (Francis)
Emmanuelle Cambois, Jean-Marie Robine, Nicolas Brouard
Les indicateurs d’espérance de vie appliquée à des statuts spécifiques, tels que l’état de santé ou le statut professionnel, sont apparus dès la fin des années trente et connaissent un regain d’intérêt. Parce qu’elles associent la mortalité à des domaines divers (santé, activité professionnelle...), les espérances de vie appliquées tiennent compte simultanément de la dynamique démographique d’une population et de l’évolution de ses caractéristiques fonctionnelles. Nous présentons ici une revue historique des méthodes de calculs et des indicateurs qui en ont résulté, afin d’en étudier les tenants et aboutissants. On regroupe ces méthodes au sein de trois familles : les méthodes des tables à prévalence observée, les méthodes des tables à sortie multiple et les méthodes des tables à « entrées et sorties ». Chacune d’elles a ses spécificités, atouts et points faibles. Le choix de la méthode dépend des objectifs visés et des données disponibles. Les données d’enquêtes longitudinales - dites « de flux » - permettent la construction de tables à sortie multiple ou à entrées et sorties, précises mais basées sur une méthodologie complexe. Les données d’enquêtes transversales - dites « de stock » -, contraignent à l’utilisation des méthodes des tables à prévalence observée, basées sur une méthodologie simple et robuste mais comportant un biais. L’arbitrage entre les méthodes revient à mettre en balance l’accessibilité méthodologique de l’indicateur et l’ampleur de l’erreur encourue, en fonction des objectifs d’étude.
INED, Population n° 3, 1998 - page 447
États dépressifs et suicidaires pendant la jeunesse. Résultats d’une enquête socio-démographique chez les 25-34 ans
Paul Archambault
La jeunesse est un processus différencié d’ajustements contradictoires et parfois douloureux aux normes du monde adulte. Dans le cas des troubles dépressifs du jeune adulte « l’équipement affectif » de base est souvent défaillant. Cet article montre que l’impossibilité d’un compromis entre générations forge des carences affectives qui complexifient le franchissement des étapes vers l’autonomie sociale.
Des jeunes âgés de 25 à 34 ans ont été interrogés rétrospectivement sur leurs origines et sur les événements qui ont scandé leur vie. Avec ces données biographiques, déclaratives et subjectives recueillies par l’Ined en 1993 (enquête Passage à l’âge adulte), on peut évaluer la très grande hétérogénéité des parcours de jeunesse. Ce sont les déboires, les échecs, les vicissitudes et l’instabilité de ces parcours qui sont évalués, afin de mesurer leurs impacts à long terme sur la santé psychologique du jeune adulte.
L’article analyse les perturbations familiales qui créent les conditions profondes des troubles psychiques lors du passage à l’âge adulte. Ces causes profondes interagissent avec les causes contingentes que sont les « événements de la vie » vécus personnellement par les individus interrogés (chômage, séparation conjugale) ; la mesure et l’interprétation de ces interactions sont discutées par la suite.
INED, Population n° 3, 1998 - page 477
Reconstruire la population féminine du département de l’Hérault entre 1856 et 1906 à partir des données de la Statistique générale de la France
Noël Bonneuil
Reconstruire les populations à partir de statistiques imparfaites se heurte notamment à la question du sous-enregistrement, à celle de l’attraction aux âges ronds, ou à celle de l’estimation des migrations. Dans un ouvrage récent, nous avons proposé, pour l’ensemble des départements français, une solution qui permet de modifier le moins possible les données brutes et de parvenir à ce que les équations classiques de la démographie soient vérifiées. Nous présentons ici notre démarche dans le cas du département de l’Hérault, dont les statistiques sont particulièrement mauvaises au milieu du XIXe siècle. Nous montrons précisément les difficultés, et la manière de les surmonter rigoureusement.
INED, Population n° 3, 1998 - page 517
Nationalité et origine dans la statistique française. Les catégories ambiguës
Patrick Simon
Les catégories mobilisées en sciences sociales pour décrire et analyser les phénomènes liés à « l’immigration » ont connu de profondes transformations ces dernières années. Venant après plus d’un siècle d’usage exclusif du classement par nationalité juridique, l’utilisation de la catégorie des immigrés a marqué une première rupture avec la tradition statistique française. Les références à l’origine, c’est-à-dire à l’ascendance des individus, connaissent désormais des développements rapides, ce qui annonce une seconde rupture encore plus décisive. Ces évolutions se produisent dans un contexte d’inadaptation des systèmes d’enregistrement et de codification construits pour répondre à des préoccupations différentes, et finalement fort peu scientifiques.
Pour comprendre le décalage qui s’institue entre l’encodage pratiqué par l’institution statistique et les questionnements scientifiques portant sur le fait migratoire et ses conséquences à long terme sur la société française, nous nous proposons de revenir sur l’histoire de la classification des populations liées à l’immigration. Ce rapide aperçu nous permettra de mettre en évidence l’empreinte du modèle national sur les catégories utilisées en sciences sociales. La seconde partie de l’article est consacrée à l’évaluation des limites et potentialités des différentes catégories utilisées dans les études quantitatives traitant de phénomènes sociaux où sont impliqués des « immigrés » ou des personnes « issues de l’immigration ». Les problèmes posés par la construction des catégories faisant référence à l’origine, le plus souvent ethnique, des individus seront abordés à partir d’une compilation non exhaustive des exploitations d’enquêtes récentes.
INED, Population n° 3, 1998 - page 541
Comment décrire les immigrés ? À propos de quelques recherches sur l’immigration
Alain Blum
Cet article s’interroge sur la pertinence des catégories utilisées, et des conséquences qui en sont tirées, dans l’analyse des facteurs de comportement des populations immigrées, réalisées dans deux ouvrages qui ont traité de ces questions : l’ouvrage Faire France, de Michèle Tribalat et l’ouvrage Le destin des immigrés, d’Emmanuel Todd. En analysant en détail l’origine des termes et stratifications qui sont à la base de ces travaux, ainsi que les schémas démonstratifs, il montre comment, souvent, ces catégories visent plus à « justifier » un certain sens commun, et conduisent à oublier le caractère multiple du phénomène migratoire. Cet article suggère donc que les démonstrations proposées sont plus contenues dans une idée a priori des différenciations, et donc dans la construction même des groupes, que comme conséquence d’une analyse approfondie.
INED, Population n° 3, 1998 - page 569
Les catégories statistiques utilisées dans les DOM-TOM depuis le début de la présence française
Jean-Louis Rallu
La classification statistique des populations des colonies, dont l’origine remonte à l’esclavage, traduit le statut des populations : colons libres, esclaves, plus tard coolies, travailleurs sous contrat, etc. Les populations indigènes, dont les droits sur le sol étaient abolis, se voyaient attribuer des statuts de droit particulier. La classification selon l’ethnie prolonge ces distinctions : la hiérarchie de la couleur ou des origines reflétant la hiérarchie sociale. Lorsqu’elle ignore le métissage, elle est un instrument de cloisonnement et d’immobilisme social rattachant une personne à une origine ancestrale unique.
Dans les pays d’immigration, les divers statuts : citoyen, résident legal, réfugié, etc., reproduisent une hiérarchie sociale qui apparaît liée à des différences d’accès au marché de l’emploi.
INED, Population n° 3, 1998 - page 589
La généralisation progressive du recueil de statistiques ethniques au Royaume-Uni
Didier Lassalle
Le Royaume-Uni reconnaît explicitement l’existence de « groupes ethniques minoritaires » au sein de sa population nationale. L’objectif principal de la question ethnique posée pour la première fois lors du recensement de 1991 était, officiellement, d’améliorer la connaissance sociodémographique de ces populations et de leurs handicaps afin de faciliter la mise en place de politiques spécifiques destinées à favoriser leur intégration. Cependant, les limites et les insuffisances de la question ethnique sont nombreuses et ont été mises en évidence par l’évaluation des résultats du recensement (Census Validation Survey) réalisée immédiatement après celui-ci. Par exemple, la classification utilisée ne permet pas aux personnes d’origine mixte, ou à leurs enfants, d’être identifiés correctement et le taux de couverture varie en fonction de la localisation géographique, de l’âge, du sexe ainsi que de l’origine ethnique des individus. En dépit de ces défauts, la plupart des enquêtes qui existaient précédemment se sont calquées sur ce nouveau standard et la classification ethnique de la population britannique s’est généralisée à tous les domaines du champ social. Enfin, les statisticiens sont à l’oeuvre pour tenter de trouver des solutions aux problèmes posés en affinant la formulation de la question ethnique dans l’optique du prochain recensement prévu pour 2001.
INED, Population n° 3, 1998 - page 609
Prix : 20 € TTC