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Maghreb : la chute irrésistible de la fécondité

Population et Sociétés

359, juillet-aout 2000

  • Pourquoi la fécondité a-t-elle baissé ?
  • Des mariages de plus en plus tardifs
  • Une large diffusion de la contraception
  • Jusqu’où la fécondité baissera-t-elle ?

 

Après 35 ans de chute continue, la fécondité tunisienne vient d’atteindre le seuil fatidique : 2,2 enfants par femme en 1998, probablement 2,1 en 1999 [1], tout juste ce qu’il faut pour qu’une mère soit, à la génération suivante, remplacée par une fille et une seule (1). Seuil auquel, dans un parfait accomplissement de la transition démographique, la fécondité serait censée se stabiliser pour assurer le maintien de l’effectif de la population. L’Algérie et le Maroc suivent de près : leur fécondité était déjà descendue à 3,1 enfants par femme en 1996 et 1997 respectivement. En supposant que le rythme de baisse observé les années précédentes se soit maintenu, on ne compterait plus, en 2000, que 2,5 enfants par femme au Maroc, 2,3 en Algérie et 2,0 en Tunisie. D’ores et déjà, certains gouvernorats tunisiens et certaines provinces marocaines sont nettement en dessous de 2 enfants par femme. Non seulement la « fin de la transition » est toute proche, mais rien n’indique que ces pays en resteront là ; tout porte au contraire à croire qu’à l’instar des pays européens, ils descendront nettement en dessous du seuil de remplacement des générations.

La chute sous le seuil de remplacement est d’autant plus probable que la baisse de la fécondité s’est accélérée au cours de la dernière décennie. Depuis le départ, d’ailleurs, celle-ci a été beaucoup plus rapide que dans les pays développés. Au début des années soixante, la fécondité était encore très forte en Afrique du Nord, nettement plus que dans l’Europe ancienne. Le taux brut de natalité était de l’ordre de 50 ‰ et la fécondité totale de plus de 7 enfants par femme. Le nombre moyen d’enfants par femme est même monté jusqu’à 8,1 en Algérie, au début des années soixante-dix, en raison d’un abaissement de l’âge moyen au mariage. Au Maroc, il était encore proche de 7 enfants par femme en 1972. Trente ans plus tard, le taux brut de natalité n’est plus que de l’ordre de 20 ‰ et la fécondité totale proche de 2 enfants par femme. En France, la fécondité a mis près de 200 ans pour tomber d’un peu plus de 6 enfants par femme au milieu du XVIIIe siècle à près de 2 dans les années trente. Ainsi, le Maghreb n’a mis que 25 ans pour parcourir le même chemin que la France en deux siècles ! Alors qu’il avait dans les années soixante une fécondité plus forte que la moyenne des pays en développement (6,0 enfants par femme) ou même que l’Afrique (7,0), le Maghreb se retrouve aujourd’hui nettement en dessous des estimations données pour ces régions par les Nations unies pour la période 1995-2000 (3,0 pour les pays en développement et 5,1 pour l’Afrique).

C’est la Tunisie qui, la première, s’est engagée dans la baisse de la fécondité, dès la fin des années soixante (figure 1). Le nombre moyen d’enfants par femme n’y était plus que de 6,3 dès 1970, alors qu’il restait supérieur à 7 au Maroc et venait même de grimper à plus de 8 en Algérie. Mais bien vite le Maroc a entamé à son tour un mouvement de baisse, remarquablement parallèle à celui de la Tunisie. L’Algérie s’y est engagée plus tard, à la fin des années soixante-dix, mais à un rythme encore plus rapide que celui de ses voisins, si bien qu’en 1986 l’écart avec la Tunisie n’était plus que d’un enfant par femme (5,4 contre 4,4), le Maroc se situant à mi-chemin. à la fin des années quatre-vingt, la Tunisie accélère la cadence et creuse à nouveau l’écart, mais très vite dans les années quatre-vingt-dix les trajectoires convergent à nouveau : l’Algérie finit par rattraper le Maroc et la distance qui la sépare de la Tunisie s’amenuise.

 

 

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