La Covid-19 plus meurtrière pour les hommes que pour les femmes
Population et Sociétés
n° 598, Mars 2022
https://doi.org/10.3917/popsoc.598.0001
Muséum national d’histoire naturelle et Institut national d’études démographiques
Institut national d’études démographiques
La surmortalité masculine due à la Covid-19 est plus importante que celle pour l’ensemble des décès à partir de 50 ans, peut-être en raison d’un plus grand risque pour les hommes d’être contaminés, du fait de leurs comportements, et aussi de comorbidités plus fréquentes chez eux, qui pourraient entraîner une plus grande létalité (risque de mourir de la maladie quand on est atteint).
Mortalité, Covid-19, surmortalité masculine, variations selon le sexe et l’âge, comportements, vaccinations, France, comparaisons internationales.
Table of contents
- Appendix A Références
1.
La Covid-19 tue plus les hommes que les femmes, mais de combien plus ? Sachant que c’est vrai aussi de la mortalité générale : en France, à tout âge, un homme a un risque de mourir dans l’année plus élevé qu’une femme du même âge. Gilles Pison et France Meslé décrivent la surmortalité masculine en France pour les décès par Covid-19 et la comparent à celle observée habituellement pour l’ensemble des décès.
La France a enregistré 657 000 décès en 2021 [1, 2], soit 12 000 décès de moins que les 669 000 de 2020, mais 44 000 de plus que les 613 000 de 2019 (tableau). C’est une hausse de 7,1 % par rapport à 2019. Elle vient pour partie de ce que la population a augmenté et a vieilli, comptant un nombre plus important de personnes âgées. Le calcul de l’espérance de vie permet d’éliminer dans les fluctuations de la mortalité ce qui revient aux variations de la taille de la population et de sa répartition par âge, pour ne faire apparaître que ce qui tient à l’évolution des risques de décès.
L’espérance de vie à la naissance atteint 79,3 ans pour les hommes et 85,4 ans pour les femmes en 2021, contre 79,1 ans et 85,1 ans en 2020, soit un gain de 0,2 an pour les hommes et 0,3 an pour les femmes. C’est un gain important, mais l’espérance de vie avait reculé de 0,6 an pour les hommes et 0,5 an pour les femmes en 2020 par rapport à 2019 en raison de l’épidémie de Covid-19. La hausse de 2021 ne permet pas de rattraper le niveau de 2019 – 79,7 ans pour les hommes et 85,6 ans pour les femmes – l’épidémie de Covid-19 ayant continué et entraîné de nombreux décès en 2021.
1.1. La surmortalité masculine habituelle accrue avec la Covid-19 ?
La baisse de l’espérance de vie en 2020 a été plus importante pour les hommes que pour les femmes, et la récupération partielle en 2021, moins élevée pour les premiers que pour les secondes. La Covid-19 tue plus les hommes que les femmes, mais de combien plus ? Sachant que c’est vrai aussi de la mortalité générale : en France, à tout âge, un homme a un risque de mourir dans l’année plus élevé qu’une femme du même âge. Un homme de 70 ans a par exemple un risque double de celui d’une femme de 70 ans. De même à 40 ans, le risque est double, même s’il est bien plus faible qu’à 70 ans, à la fois pour les hommes et les femmes.
Les femmes sont biologiquement moins fragiles que les hommes mais les écarts viennent surtout de leurs activités et leurs comportements. Tout au long de la vie, les hommes prennent plus de risques que les femmes et ont plus fréquemment des comportements nocifs pour la santé, notamment ils fument plus et boivent davantage d’alcool. Les femmes de leur côté sont en général plus attentives à leur santé et consultent plus souvent les médecins [3].
Il en résulte une surmortalité des hommes par rapport aux femmes toutes causes de décès confondues. Elle est plus ou moins importante selon l’âge avec un profil à deux « bosses » (figure 1 et annexe en ligne) : elle atteint des sommets aux âges de jeune adulte – les décès, très peu fréquents à ces âges, sont dus principalement aux morts violentes (suicides et accidents, notamment ceux de la circulation) –, et entre 55 et 74 ans.
La surmortalité masculine due à la Covid-19 est moindre que celle pour l’ensemble des décès quelle qu’en soit la cause avant la cinquantaine ; elle est plus importante à partir du groupe d’âge 55-64 ans (figure 1). Cela pourrait venir d’un plus grand risque pour les hommes d’être contaminés, du fait de leurs comportements – moindre respect des gestes barrière, plus grande interaction sociale, moins de télétravail – et aussi de comorbidités (hypertension, diabète), plus fréquentes chez eux à partir de la cinquantaine [5], qui entraîneraient une plus grande létalité (risque de mourir de la maladie quand on est atteint).
La surmortalité masculine pour ce qui est des décès par Covid-19 a évolué depuis le début de la pandémie (figure 2). Quelle que soit la période elle atteint un maximum vers 65-74 ans. Mais se rajoute au 1er semestre 2020 une première bosse à 25-34 ans. Elle pourrait s’expliquer par des comportements plus à risque chez les jeunes hommes que chez les jeunes femmes, un peu comme pour la mortalité accidentelle. Et aussi par la très forte mortalité par Covid-19 chez les jeunes adultes étrangers. La première vague a en effet été particulièrement meurtrière chez les personnes nées à l’étranger, en particulier celles nées en Afrique ou en Asie, car résidant souvent dans les régions les plus touchées par cette vague (Île de France, Grand Est), et exerçant aussi des métiers ne permettant pas le télétravail et exposant beaucoup à l’infection. Et parmi ces étrangers nés en Afrique ou en Asie la mortalité a été plus élevée chez les hommes que chez les femmes [6].
Cette première bosse à 25-34 ans disparaît ou se réduit ensuite, la reprise partielle des activités exposant alors hommes et femmes au virus de façon plus égale. La bosse principale, centrée vers 65-74 ans, s’affaisse en partie au 2e semestre 2021, peut-être en lien avec la vaccination. À ces âges, la proportion de personnes non vaccinées est plus élevée chez les femmes que chez les hommes : plus de 10 % contre moins de 8 % [7] (voir annexe en ligne). Cet écart pourrait venir de ce que les hommes auraient été considérés comme prioritaires pour la vaccination plus souvent que les femmes du même âge, du fait de comorbidités plus fréquentes. De façon étonnante, les hommes auraient ainsi été plus attentifs à leur santé que les femmes dans le cas de la vaccination contre la Covid-19, ou au moins plus obéissants aux directives sanitaires. Alors qu’on observe le plus souvent au contraire que les hommes ont des comportements moins favorables à la santé que les femmes.
1.2. La France est-elle spécifique ?
La surmortalité masculine concernant les décès dus à la Covid-19 se situe en France dans la moyenne quand on la compare à celle observée dans d’autres pays (figure 3). Elle est plus élevée qu’en France en Italie et en Espagne, et moindre en Angleterre-Galles et aux États-Unis. Les profils par âge se ressemblent dans les pays latins (Italie, Espagne, France), avec une bosse très marquée entre 60 et 70 ans. La bosse est moins marquée en Angleterre-Galles et aux États-Unis, et elle s’observe plutôt à des âges un peu plus jeunes.
Seules des analyses plus fines qui prendraient en compte les comorbidités et les vaccinations détaillées par sexe et âge pourraient permettre de comprendre ces différences de profil. Mais ce type d’information n’est pas disponible pour l’instant dans tous les pays ; espérons qu’il le devienne prochainement.
1.2.1. Encadré. Bilan démographique de la France en 2021
Au 1er janvier 2022, la population de la France est estimée à 67,8 millions d’habitants, dont 65,6 en métropole et 2,2 en Outre-mer [1]. La population a augmenté de 221 000 habitants en 2021 (+ 0,33 %). La croissance tient pour un tiers à l’excédent des naissances sur les décès et pour deux tiers à l’excédent migratoire. Ce dernier, différence entre les entrées et les sorties de migrants, est estimé à 140 000 par l’Insee.
Autant de naissances en 2021 qu’en 2020
L’indicateur de fécondité augmente très légèrement entre 2020 et 2021, passant de 1,82 enfant par femme à 1,83, et le nombre de naissances augmente aussi, de 735 000 à 738 000.
La tendance observée depuis quarante ans à avoir ses enfants toujours plus tard se poursuit : les femmes qui ont accouché en 2021 avaient en moyenne 30,9 ans. Cet âge n’a cessé de progresser depuis 1977, où celles qui avaient accouché avaient 26,5 ans en moyenne.
L’examen de la fécondité par génération montre que les femmes nées en 1971, qui ont atteint 50 ans en 2021 et ont donc achevé leur vie féconde, ont eu 1,99 enfant en moyenne. Les femmes nées en 1981, âgées de 40 ans en 2021, en ont déjà 1,99, si bien que le total atteindra sans doute au moins 2,05 enfants lorsqu’elles atteindront 50 ans. Quant aux générations plus jeunes, elles sont encore loin d’avoir terminé leur vie féconde. Tout pronostic sur leur nombre final d’enfants reste donc hasardeux, mais il pourrait rester autour de 2 enfants par femme.
Les enfants nés à d’autres saisons que d’habitude
Si le nombre de naissances n’a pratiquement pas changé entre 2020 et 2021, elles ont été moins nombreuses en début d’année en lien avec l’épidémie de Covid-19 [2]. Lors du premier confinement, du 17 mars au 11 mai 2020, certains avaient annoncé un baby-boom neuf mois après, les restrictions de mouvements et le repli sur la vie de couple devant pousser certains à faire l’enfant qu’ils projetaient, pensaient-ils.
En réalité, les conceptions ont baissé. Les enfants nés en janvier 2021, conçus pour la plupart en avril 2020, donc en plein premier confinement, sont 13 % moins nombreux que ceux nés en janvier 2020. Ceux nés en février 2021, conçus en mai 2020, à la fin du confinement et juste après, sont 5 % moins nombreux que ceux nés en février 2020. Mais ceux nés dans les mois suivants ont été plus nombreux dans l’ensemble qu’en 2020, avec pour résultat une récupération totale des naissances qui n’avaient pas eu lieu en début d’année, toujours par rapport à 2020.
La baisse des conceptions lors du premier confinement n’a pas surpris [8]. Elle correspond à ce qui a souvent été observé lors des crises économiques : la montée du chômage et l’incertitude quant à l’avenir conduisent une partie des couples souhaitant avoir un enfant à reporter leur projet à plus tard. Une crise est souvent suivie d’une baisse des naissances un ou deux ans après. Mais une crise n’empêche pas les naissances, elle les reporte à plus tard. Il y a souvent récupération en sortie de crise.
C’est ce qui s’est passé avec le premier confinement. Mais la récupération a eu lieu rapidement. Et le second confinement n’a eu apparemment aucune influence sur les conceptions, et n’a pas empêché la reprise. Il a été moins strict que le premier, et les individus se sont faits à l’idée d’une épidémie plus longue qu’imaginée au départ et ont repris leurs projets. Les politiques familiales et sociales, complétés des dispositifs économiques spécifiques mis en place lors de la crise sanitaire, ont très probablement joué aussi un rôle d’amortisseur.
Appendix A Références
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[1] Sylvain Papon, 2022, « La fécondité se maintient malgré la pandémie de Covid-19 », Insee Première, n° 1889.
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[3] Jacques Vallin, 2002, « Mortalité, sexe et genre », in Caselli Graziella, et al. (dir.), Démographie: analyse et synthèse. III. Les déterminants de la mortalité, Paris, INED, p. 319-350.
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[5] Anne-Laure Perrine, Camille Lecoffre, Jacques Blacher, Valérie Olié, 2018, « L’hypertension artérielle en France : prévalence, traitement et contrôle en 2015 et évolutions depuis 2006 », Bull Epidémiol Hebd, (10):170-9.
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[6] Sylvain Papon et Isabelle Robert-Bobée, 2020, « Une hausse des décès deux fois plus forte pour les personnes nées à l’étranger que pour celles nées en France en mars-avril 2020 »,Insee Focus, n° 198.
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[7] Cnam, 2022 - Statistiques de vaccinations contre la Covid-19 par sexe et âge (communication personnelle).
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[8] Gilles Pison et France Meslé, 2021 - « France 2020 : 68 000 décès supplémentaires imputables à l’épidémie de Covid-19 », Population et Sociétés, n° 587, 4 p.
La surmortalité masculine due à la Covid-19 est plus importante que celle pour l’ensemble des décès à partir de 50 ans, peut-être en raison d’un plus grand risque pour les hommes d’être contaminés, du fait de leurs comportements, et aussi de comorbidités plus fréquentes chez eux, qui pourraient entraîner une plus grande létalité (risque de mourir de la maladie quand on est atteint).
Citer l’article
Gilles Pison, France Meslé, La fécondité des filles de moins 15 ans dans le monde, 2022, Population et Sociétés, n° 598