Arithmétique politique dans la France du XVIIIe siècle
Collection : Études et enquêtes historiques
2003, 586 pagesT. Martin, Introduction : Une arithmétique politique française ?
Première partie – QUESTIONS
R. Damien, Prolégomènes français à une science politique future : Vauban, Lavoisier, Volney, Neufchâteau, Chaptal
J.-C. Perrot, Les premières statistiques au regard de l’histoire intellectuelle
P. Crépel, Arithmétique politique et population dans les métamorphoses de l’Encyclopédie
B. Bru, De la physico-théologie démographique à la physique statistique
Deuxième partie – ÉTUDES
N. Meusnier, Vauban : Arithmétique politique, Ragot et autre Cochonnerie
Jean-Marc Rohrbasser, Montesquieu, l’arithmétique politique et les questions de population
Cem Behar et Yves Ducel, L’Arithmétique politique d’Antoine Deparcieux
T. Martin, L’Arithmétique morale et politique de Buffon
P. Crépel et C. Salvat, L’Arithmétique politique d’André Morellet ou Morellet arithméticien « à l’insu de son plein gré »
P.-C. Pradier, D’Alembert, l’hypothèse de Bernoulli et la mesure du risque : à propos de quelques lignes des Opuscules
G.-Th. Guilbaud, La ténébreuse affaire de Corcelles
R. Gaeta et G. Fontana, « Discours préliminaire » en préface de la traduction italienne de La Dottrina degli Azzardi... d’Abraham de Moivre (traduit de l’italien et annoté par P. Crépel) [Commentaire, par Ch. Théré et J.-M. Rohrbasser]
J.-M. Rohrbasser, Les Recherches et Considérations sur la population de la France : Arithmétique politique et démographie
J.-C. Perrot, Les comptabilités économiques de Lavoisier
Ch. Théré, Guillaume Daignan et la durée de la vie humaine
É. Brian et Ch. Théré, Fortune et infortunes de Louis Messance
É. Brian et Ch. Théré, Deux inédits de Louis Messance établis et annotés par É. Brian et Ch. Théré
Troisième partie – PROLONGEMENTS
G. Levi, Arithmétique politique au Piémont (traduit de l’italien par P. Crépel), Les arithméticiens politiques et la démographie piémontaise dans les dernières années du xviiie siècle
K. Hildebrandt, Le concours de l’Académie de Turin sur la statistique (1803-1805)
G. Thuillier, Tables de mortalité et compagnies d’assurances au xixe siècle
O. Dard, L’Arithmétique politique et la technocratie : la question de l’héritage
C. Grignon, La mathématisation des sciences du récit : le cas de la sociologie
Les auteurs
Index des noms de personnes
Table des matières
Prendre la mesure de cette diversité, en explorer les sources, le développement temporel et les conséquences, mais aussi dégager, s’ils existent, des points de rencontre ou de convergence, tel est le projet qui anime l’équipe de chercheurs d’horizons divers (démographes, économistes, mathématiciens, sociologues, historiens des sciences et philosophes) réunis pour cette aventure.
Sont alors interrogées la relation essentielle que manifeste la pratique politique républicaine avec la statistique, les difficultés propres à l’analyse du mouvement d’édification de l’entreprise de mathématisation des phénomènes sociaux et politiques, l’évolution des représentations de l’arithmétique politique que véhicule le discours encyclopédique, la solidarité constitutive de la démographie statistique naissante et de la physique corpusculaire que révèlent les œuvres de Daniel Bernoulli et de Laplace.
L’ouvrage se propose également de mettre en évidence l’originalité de la contribution de Vauban à cette entreprise de mathématisation du politique, celle de l’attitude de Montesquieu à l’égard de l’arithmétique politique, de la posture épistémologique de l’œuvre de Deparcieux, celle de la démarche mise en œuvre par Buffon dans ses travaux d’« arithmétique morale ». Sont aussi étudiées les places respectives occupées par l’arithmétique politique et l’économie dans l’œuvre de Morellet, l’originalité du traitement de l’incertitude chez d’Alembert, l’application laplacienne de la « probabilité des causes » au problème du taux de masculinité, la méthode expérimentale de Moheau développée dans ses Recherches et Considérations, le projet statistique de Lavoisier, les travaux démographiques de Guillaume Daignan, les contributions de Messance à l’arithmétique politique.
Enfin, débordant le cadre strict de l’« arithmétique politique française », mais permettant d’en éclairer en retour la spécificité, l’ouvrage élargit son champ d’études pour considérer le développement de l’arithmétique piémontaise et sa relation à l’arithmétique politique française, la candidature de Donnant au concours de l’Académie de Turin sur la statistique de 1803-1805, prétexte à une confrontation des traditions statistiques françaises, allemandes et italiennes, le retard dont font preuve les compagnies d’assurances au cours du xixe siècle dans leur usage des tables de mortalité. La question de savoir si cette tradition trouve des prolongements jusqu’à nous se trouve posée par l’analyse du mouvement technocratique qui se met en place à la suite de la grande crise de 1930, et par la réflexion épistémologique sur la modélisation qu’appelle le développement contemporain des sciences sociales.
Ainsi, l’opposition classique entre la statistique qualitative caméraliste universitaire allemande et l’arithmétique politique à l’anglaise doit être considérablement atténuée pour la France du xviiie siècle : l’évolution n’est pas linéaire et le rôle de la quantification comme voie d’accès unique et irréversible vers un degré supérieur de scientificité est ici mesuré et nuancé. L’ouvrage constitue alors, dans son ensemble, une réflexion sur l’histoire des sciences, à partir d’un champ de recherches original, riche en pistes et en découvertes.