Hommage à Patrick Festy, ancien directeur de l’Ined
La démographie de la famille perd l’un des ses membres
Patrick Festy nous a quitté le 7 décembre 2022. Il fut directeur de l’Ined de 1995 à 1998. Patrick Festy était un intellectuel dans le meilleur sens du terme, que l’austérité de la discipline démographique n’effrayait pas et, peut-être même, séduisait.
Né avec l’Ined en 1945, Patrick Festy y est entré en janvier 1969. Ancien élève de HEC, il est aussi licencié ès lettres, docteur d’Etat en économie et bien sûr expert démographe. Sa thèse, qui donnera lieu à un ouvrage de référence paru dans la collection Travaux et Documents de l’Ined, est consacrée à l’évolution de la fécondité de pays occidentaux de 1870 à 1970. L’étude de la conjoncture démographique va de fait occuper toute la première partie de sa carrière. Il est d’abord responsable de l’unité de recherche Conjoncture II puis chef du département de Démographie générale contemporaine. En tant que rédacteur en chef de la revue Population (1989-1995), il sera l’auteur de plusieurs rapports au parlement sur la situation démographique de la France. Sous sa conduite, Population poursuivra sa mue vers une revue internationale, par ses auteurs et par son lectorat.
Patrick Festy fut un grand chercheur. Dans les années 1970, alors que la recherche privilégie l’exploration des déterminants individuels des comportements démographiques, il s’intéresse aux facteurs contextuels de ces comportements, et plus particulièrement, à l’effet du droit sur les comportements familiaux. Les liens qu’il noue alors avec Louis Roussel, qui parle de « désinstitutionalisation » pour décrire les évolutions du mariage et du divorce, l’orientent dans la direction d’associer entre elles les deux disciplines rigoureuses que sont le droit et la démographie. Il les fait dialoguer autour de l’étude du divorce, en France et en Russie. Dans la première moitié des années 1990, il anime avec Irène Théry et Marie-Thérèse Meulders-Klein, juriste belge, un réseau sur l’étude des familles recomposées. Des années plus tard, il reviendra à cette approche en s’intéressant à la légalisation offerte aux couples de même sexe, puis à l’histoire comparée du mariage dans les pays nordiques.
L’étude du divorce en Russie puis du passage à l’âge adulte des jeunes en Albanie, l’amène à prendre en compte l’effet des systèmes de protection sociale et des solidarités privées sur les conditions de vie. Cette nouvelle direction s’exprimera à travers les grands projets européens FELICIE puis MAGGIE, qu’il coordonne dans les années 2000 avec Joëlle Gaymu, autour de la prise en charge des personnes âgées de demain. La bibliographie de Patrick Festy comprend beaucoup d’articles et d’ouvrages écrits en solitaire. Mais Patrick Festy aimait le travail collaboratif, notamment dans le cadre de réseaux de recherche pluridisciplinaires ou internationaux.
C’est dans ce contexte que l’unité de recherche Comparaisons internationales voit le jour à son initiative. L’apport de la dimension « nation » aux études ne pouvait que susciter l’intérêt et la soif d’expliquer de Patrick Festy. Comparer pour comprendre. Attentif à la qualité des données et à leur harmonisation, il conduira avec France Prioux des travaux sur les modes de fonctionnement des grands programmes internationaux d’enquêtes sur la fécondité et la famille puis coordonnera l’évaluation des micro-données de recensements européens. Plus récemment, il avait supervisé la mise en place de la base de données contextuelles du programme européen Générations et genre.
Secrétaire général et trésorier de l’AIDELF de 1979 à 1984, Patrick Festy s’est aussi investi dans la diffusion de la démographie en langue française.
Tous ceux qui l’ont connu appréciaient aussi son humour, sa gentillesse et son humilité.