Ségrégations ethniques. Séminaire de l’unité de recherche M.I.M.

le Mardi 13 Avril 2010 à l’INED, Salle Sauvy, de 14H à 17H

-Ségrégation des populations immigrées et mobilité résidentielle en France
-Ségrégation ethnique en quartiers sensibles français
- La ségrégation ethno-raciale a-t-elle augmenté en Ile-de-France ?

Ségrégation des populations immigrées et mobilité résidentielle en France

Mirna Safi (OSC, Sciences Po) et Roland Rathelot (DARES et CREST)

Cette présentation porte sur la mobilité résidentielle de la population française à partir de données longitudinales de 1982 à 1999. Nous mesurons la mobilité au niveau communal dans le temps et essayons d’évaluer l’effet de la composition ethnique des communes de résidence sur la probabilité individuelle de mobilité. Les résultats obtenus diffèrent entre les immigrés et les natifs : alors que la concentration de certains groupes ethniques semble pousser les natifs à changer de commune, la probabilité de déménager des immigrés diminue en fonction de la proportion des immigrés de même origine dans la commune. Ces résultats rendent compte de la dynamique de ségrégation observée en France ces dernières décennies.

 

Ségrégation ethnique en quartiers sensibles français

Jean-Louis Pan-Ké-Shon (INED)

Dans cette étude deux voies ont été suivies grâce aux données longitudinales infra communales tirées de l’Échantillon démographique permanent. D’abord, les mobilités résidentielles des habitants des quartiers sensibles (ZUS) ont été observées, partant du constat que la ségrégation résulte formellement du solde des entrées et des sorties d’un espace d’habitation. Puis, les quartiers ont été distribués selon leur degré de précarité, approximé par leur taux de chômage, permettant ainsi d’observer les qualités des mobilités des résidents des quartiers sensibles. Ce dispositif de travail apporte un nouvel éclairage sur les phénomènes ségrégatifs français. Il dévoile que non seulement la mobilité résidentielle des habitants des quartiers sensibles est quantitativement importante, mais qu’en déménageant, Français, Maghrébins et Africains effectuent majoritairement une mobilité ascendante. Ces deux constats indiquent à contre courant un fonctionnement sain des mobilités de ces quartiers. Habiter en quartiers sensibles représenterait alors une étape transitoire pour une partie des résidents de ces zones urbaines. Ce constat peut apparaître choquant car il va à l’encontre d’idées reçues mais il suffit de penser que les diverses motivations habituelles des mobilités résidentielles trouvent une concrétisation, au moins pour une bonne part de cette population. De fait, les motifs de départ de ces quartiers sont assez peu différents des autres habitants. Leurs sorties des ZUS s’effectuent avec moins de facilité, dépendant du degré de précarité des quartiers quittés. La forte mobilité résidentielle ascendante aussi bien des Français que des Africains et sa dépendance avec le niveau de précarité du quartier de départ écartent les hypothèses de White flight et d’auto-ségrégation.

L’aspect pathologique de la ségrégation française vient principalement des mobilités résidentielles des Maghrébins et des Africains. « Toutes choses égales », les Africains ont quatre fois plus de risques que les Français de s’installer dans les quartiers parmi les plus défavorisés, suggérant par là une discrimination ethnique. Seuls les flux des nouveaux immigrants et l’accroissement démographique naturel viennent grossir les effectifs des Africains en quartiers sensibles. Les Africains déjà installés hors ZUS viennent plus rarement que les Français s’établir en quartiers sensibles. Contrairement à la ségrégation de hiérarchie sociale, la ségrégation ethnique a progressé en France entre 1990 et 1999 malgré la fonte globale des effectifs des résidents des zones sensibles.


La ségrégation ethno-raciale a-t-elle augmenté en Ile-de-France ?

Edmond Préteceille (OSC, Sciences Po)

La présentation propose une analyse de l’évolution de la ségrégation ethno-raciale dans la métropole parisienne entre les trois derniers recensements. Les catégories utilisées sont celles des immigrés au sens strict, considérés par groupes d’origines nationales, auxquels on ajoute ensuite la part de la seconde génération que l’on peut repérer dans les recensements. L’analyse est conduite principalement à l’échelle des communes et quartiers parisiens. Les indices de dissimilarité et d’isolement et l’étude de la concentration par commune montrent que la ségrégation la plus forte est celle des immigrés d’origine maghrébine, subsaharienne et turque ; qu’elle est en croissance modérée ; qu’elle est nettement supérieure à la ségrégation socioéconomique ; mais aussi très inférieure à la ségrégation raciale dans les métropoles des États-Unis, et que la grande majorité des immigrés résident dans des quartiers où ils sont minoritaires, donc dans des situations de mixité résidentielle, et pas dans des ghettos.


Discutant : Patrick Simon (INED)