Validité d’une observation : les étapes d’une vérification empirique d’un énoncé théorique
Discutant : Eric Brian (INED – EHESS)
Sur le terrain, le chercheur quantitativiste est amené à
réaliser des enquêtes, à effectuer des mesures, à produire des
informations chiffrées puis à les interpréter. Tout au long de ce
processus, il y a le plus souvent une part d’implicite dans la
manière dont il va donner sens à une suite de chiffres alignés dans
un tableau. À partir d’observations forcément fragmentaires (une
observation parfaitement exhaustive d’un phénomène relevant de
l’impossible), il va en déduire une connaissance plus
générale.
Quel processus intellectuel est donc à l’œuvre dans l’acte
d’observation et d’interprétation ? Tout énoncé d’observation n’est
pas donné par lui-même mais naît de l’application, à des données
d’observations brutes, de la relation répétable définissant un
concept opératoire. Nos énoncés d’observations ont une portée
limitée puisque leur ensemble population-espace-temps est restreint
aux individus effectivement enquêtés, sur les zones d’enquête, le
temps de l’enquête. Or, nos assertions portent sur des populations
plus larges. Quelle que soit la source de données utilisées, nous
avons donc recours à des hypothèses anticipatrices afin de
transformer nos énoncés d’observation en assertions plus
générales.
Ce travail prend place dans le cadre d’une thèse en démographie sur
les estimations des prévalences nationales du VIH, intitulée
Prévalences du VIH en Afrique : validité d’une mesure. Dans les
années 1980, une surveillance sentinelle des femmes enceintes
consultant en clinique prénatale a été mise en place pour
identifier l’apparition et le développement des épidémies de VIH.
Ce système s’est généralisé en Afrique subsaharienne et a
constitué, à partir du milieu des années 1990, la principale source
de données pour l’estimation des prévalences nationales du VIH sur
ce continent. À partir de 2001, plusieurs pays ont conduit des
enquêtes nationales en population générale avec dépistage du VIH,
notamment à travers le programme des Enquêtes Démographiques et de
Santé. Pour une majorité de pays, les estimations de la prévalence
nationale à partir des EDS se sont révélées différentes de celles
réalisées à partir de la surveillance sentinelle. L’objectif de la
thèse a donc visé à déterminer la portée, les limites et la
signification objective des différentes sources de données au
travers de l’analyse des hypothèses anticipatrices nécessaires à
l’estimation de prévalences nationales.