Une autre inégalité liée au logement : les expulsions locatives
Présenté par : Camille François (ENS, Cresppa) ; Discutante : Pascale Dietrich-Ragon (Ined)
Chaque année près de 165 000 ménages locataires sont assignés au tribunal d’instance par leur propriétaire-bailleur dans le cadre d’une procédure d’expulsion pour dette locative, soit plus de 1% de l’ensemble des ménages locataires résidant en France métropolitaine. Or en dépit de l’augmentation importante de ces procédures (de l’ordre de 40% depuis 2001) et de leurs conséquences sociales radicales pour les ménages privés de logement, le contentieux des expulsions reste peu étudié par les travaux de sociologie. Articulant traitement statistique et observation ethnographique de l’activité de quatre tribunaux d’instance et du "bureau des expulsions "de la préfecture d’un département francilien, cette communication présente une analyse longitudinale des trajectoires de deux échantillons de ménages en procédure d’expulsion, depuis leur assignation devant le tribunal jusqu’à leur éventuelle évacuation manu militari par le concours de la force publique. Elle restitue tout d’abord la diversité et la porosité des formes de délogement que connaissent les locataires et qui, contrairement à la définition administrative de la catégorie d’"expulsion", sont loin de se limiter aux seuls cas d’évacuation directe et forcée par les agents de police. Elle propose ensuite une analyse des logiques régaliennes et des déterminants sociaux des décisions judiciaires et préfectorales en matière d’expulsion, afin de mettre en lumière les discriminations institutionnelles qui président aux disparités de trajectoires entre ménages, et qui structurent cette autre forme d’inégalité sociale liée au logement.
Camille François
Camille François est docteur en sociologie (Université Paris 8, CRESPPA-CSU) et agrégé-préparateur à l’École Normale Supérieure. Après une enquête menée sur les projets de démolition et les opérations de relogement des grands-ensembles dans le cadre du Programme national de rénovation urbaine, sa thèse de doctorat a porté sur l’administration des procédures d’expulsion pour dette locative. Ses intérêts et travaux de recherche se situent ainsi à l’intersection de la sociologie urbaine et du logement, de la sociologie du droit et de la justice, de la sociologie de l’État, et de la sociologie des classes populaires. Il est par ailleurs membre du comité de rédaction de la revue Métropolitiques.