Classer pour soigner ? Savoirs d’État et raisons pratiques
Présenté par Maud Gelly (CSU-Paris 8) ; discutant : Mathieu Trachman (Ined)
Les sciences sociales ont coutume d’analyser la médecine comme un savoir et un pouvoir, ou comme modèle pour la sociologie des professions, mais plus rarement avec les outils de la sociologie du travail. La communication s’inscrit dans ce cadre. Elle porte sur les trajectoires et le travail d’agents de santé publique, et sur les opérations de catégorisation et de classement des publics auxquels se livrent ces agents. Il s’agit de médecins, infirmières et infirmiers, salariées et salariés d’associations, participant au dépistage du VIH/sida dans deux types de structures (hospitalières et associatives) où le dépistage est gratuit. L’enquête, menée au moyen de plus de 50 entretiens et de l’observation directe de plus de 200 consultations, permet de rendre compte des pratiques de classement ordinaires de salariés du secteur médico-social dans le cadre d’interactions courtes (sept minutes en moyenne) et anonymes, où l’objectivation des publics combine à des degrés divers l’appartenance de classe, de genre, l’origine nationale réelle ou supposée, et l’orientation sexuelle. La brièveté des interactions, en général anonymes, conduit les agents à écourter le recueil objectif des caractéristiques sociales requis par leur structure, et permet de rendre compte de la sociologie spontanée à l’œuvre dans le travail de santé publique, entre reprise des catégories du sens commun et imposition de catégories savantes.
Maud Gelly
Maud Gelly est médecin dans un centre d’Interruption Volontaire de Grossesse et termine sa thèse de sociologie au CSU-Paris 8. Après un master de sciences sociales à l’EHESS portant sur l’éducation sexuelle au collège et sa prise en compte des inégalités liées aux rapports de classe et de genre, sa thèse poursuit, à travers une enquête ethnographique sur le dépistage du sida en milieu hospitalier et associatif, l’exploration des rapports entre pratiques de santé et différenciation sociale. En 2016, elle coordonne le volet qualitatif de l’enquête DSAFHIR (CRIDUP-Observatoire du Samusocial) sur la santé sexuelle et reproductive des femmes réfugiées et migrantes hébergées à l’hôtel.