Retours d’exil : des procédés pour récupérer ses biens confisqués dans l’URSS post-stalinienne
Présenté par Alain Blum (Ined) ; Discutant : Eric Le Bourhis (INALCO)
Des déportations massives de population ont été organisées dans l’URSS stalinienne. Plusieurs millions d’habitants de l’URSS ont été conduits de force en exil en Sibérie, dans le grand nord soviétique, en Asie centrale, entre 1930 et 1953.
Après la mort de Staline, les autorités soviétiques doivent gérer le retour de ces populations, tout en restant souvent méfiantes vis-à-vis d’elles. Elles font face à de nombreux conflits locaux qui surgissent au retour des exilés, entre ceux qui ont participé à mettre en œuvre, localement, les déportations et ceux qui les ont subies. Ils opposent aussi ceux qui ont profité des biens confisqués lors de ces déportations et ceux qui veulent les récupérer.
Les recherches en archives, ainsi que le recueil de témoignages de survivants de cette période, offrent à voir une société traversée par de nombreux conflits entre anciens voisins, entre exilés et pouvoirs locaux. Les autorités apparaissent bien moins monolithiques qu’on aurait pu le penser, dans un pays pourtant fortement contrôlé. L’objectif de cette présentation est de montrer comment la question de la restitution des biens et des réinsertions au retour de déportation s’est posée en Union soviétique, et en particulier dans les territoires annexés par l’URSS après le pacte germano-soviétique d’août 1939. Cela permet ainsi d’engager une réflexion plus générale sur les conditions de retours d’exil dans une démarche comparative (en évoquant par exemple la question de la restitution des biens juifs après la seconde guerre mondiale et la réinsertion des populations survivantes des camps, de la vie en clandestinité ou de l’exil).
Alain Blum
Alain Blum est directeur de recherche à l’Institut national d’études démographiques (INED) еt directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Démographe, statisticien et historien, il travaille depuis de nombreuses années sur l’histoire des populations de l’espace russe, caucasien, centre-asiatique et centre-européen. Ses recherches actuelles portent d’une part, sur la question des déplacements forcés des populations, dans la continuité d’une réflexion plus générale sur la relation entre violence politique et transformations démographiques et sociales. Il étudie ainsi aujourd’hui les trajectoires des personnes déportées d’Europe centrale et orientale vers l’URSS, en mettant un accent tout particulier sur ceux qui furent déportés d’Ukraine occidentale et de Lituanie. En autres publications, il a codirigé les ouvrages Et 1917 devient Révolution… (2017), Déportés en URSS. Récits d’Européens au Goulag (2012), et est co-auteur de Faux coupables (2012).