Pallier les lacunes de la statistique publique : l’exemple des données associatives sur le viol
Discutant : Hugues Lagrange (OSC / CNRS)
L’étude de l’évolution du viol en France est limitée par un
manque de données longitudinales. Les statistiques de Police
permettent de constater une augmentation très importante du nombre
annuel de plaintes pour viol qui est passé de moins de 2 000 en
1980 à près de 10 000 dans les années 2000. Les données agrégées
fournies par le Ministère de l’Intérieur ne permettent toutefois
pas vraiment de décrire finement cette évolution, ni les
éventuelles disparités selon le type de viol dont il s’agit
(intrafamilial, conjugal, etc.). Les enquêtes (ACSF 1992, Enveff
2000, Baromètre Santé 2000 et 2005, CSF 2006) mettent aussi en
évidence une augmentation des déclarations de rapports forcés, mais
les différences d’échantillonnage, de thématiques et de formulation
limitent les conclusions auxquelles on pourrait aboutir.
Afin de préciser les modalités de cette augmentation sensible des
déclarations, d’autres sources doivent être identifiées et
analysées. Depuis 1986, le Collectif Féministe Contre le Viol tient
une permanence téléphonique, SOS Viols Informations, qui recueille
chaque année plus de mille appels de victimes de viols. La base de
données constituée à partir de ces appels constitue une source
complémentaire originale malgré les difficultés inhérentes à des
données qui ne sont pas obtenues à partir d’un questionnaire.
Près de 20 000 viols sont décrits dans cette base, ce qui permet de
mettre en évidence des différences importantes dans les
comportements de recours (plaintes et appels) des victimes selon le
contexte du viol, l’auteur, l’éventuelle répétition des violences
et l’âge auquel elles se sont produites. Ces données permettent en
particulier d’évaluer la durée entre le ou les viols et un éventuel
signalement officiel (plaintes et appels).