Moins égaux que les autres ? Orientation sexuelle et discrimination salariale en France
Discutant : Anne Solaz (Ined)
L’article présente une évaluation économétrique, sur le marché du travail français, de la discrimination salariale fondée sur l’orientation sexuelle. Il s’agit de la première étude tentant d’évaluer l’ampleur de cette discrimination en France.
Après avoir identifié les couples de même sexe à partir de l’enquête emploi de l’Insee, on propose des estimations du rendement de l’orientation sexuelle, dans le secteur privé et dans le secteur public, de façon à déterminer si les lesbiennes et les gays subissent une pénalité salariale. Les résultats obtenus montrent l’existence d’un désavantage salarial des homosexuels hommes par rapport à leurs homologues hétérosexuels, aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public; cette discrimination varie de -6.5% environ dans le secteur privé à -5.5% dans le secteur public soit une ampleur comparable à la discrimination salariale hommes/femmes. Comme dans d’autres pays, on ne peut conclure à l’existence d’une discrimination salariale à l’encontre des lesbiennes.
Le diplôme ne protège pas les gays de la discrimination : au contraire les salariés homosexuels masculins sont d’autant plus victimes de discrimination salariale, qu’ils occupent un emploi qualifié qui les rend « visibles » dans l’entreprise et permet, via le jeu des promotions, à une discrimination « potentielle » de s’exprimer. Le lent processus d’acquisition, par l’employeur, d’information sur l’orientation sexuelle de ses salariés, se traduit en outre par des pratiques discriminatoires d’autant plus marquées que le salarié homosexuel a de l’ancienneté dans l’entreprise et qu’il est âgé.
Dans la mesure où l’ensemble des salariés homosexuels présents dans notre échantillon, ne sont pas identifiés comme tels par leurs employeurs, ceux qui le sont subissent certainement une discrimination plus forte que la discrimination « moyenne » que nous estimons. Ceci souligne l’importance des pratiques discriminatoires à l’encontre des gays sur le marché du travail français.