Les migrations camerounaises entre mythe de la ville et réalité des identités citadines
Discutant : Luc Cambrézy (IRD)
Au Cameroun, l’élargissement des horizons géographiques aux frontières de l’espace colonisé par les Etats européens a été subverti par l’émergence inattendue chez les indigènes d’une mobilité individuelle moderne. En effet, le nouveau contexte socio-écologique créé par l’émergence de la ville, contribue alors à bouleverser et élargir l’espace colonial nouveau. Les possibilités géographiques du « défilement » et de la fuite de l’esclavage va pourtant faire son chemin dans le douloureux lit des travaux forcés, des pistes de portage et autres nouvelles pratiques inhumaines reprises ou introduites par la nouvelle colonisation. En effet, à Yaoundé, à Douala et un peu partout dans la nouvelle génération de mouvements, des individus qui n’avaient jamais connu de ville, mais aussi des collectifs néo-citadins indigènes et même Européens en quête de plus de bien-être se sont immédiatement réappropriés les ouvertures dessinées par cette mobilité vers des lieux pourtant matériellement inexistants. Pendant quelques décennies, tant le drainage migratoire très limité des petits centres à vocation urbaine que l’influence encore nouvelle des villes émergentes comme Douala et Yaoundé, alliés aux habitudes de repli sur les communautés tribales et les bastions de résistance, maintinrent l’attraction des nouveaux sas urbains libérateurs de mobilité dans des rayons presque « locaux ». En en faisant pratiquement un lieu mythique, l’Indépendance et la réunification devaient leur donner toutes leurs chances de rayonnement. Allaient alors y accourir des hommes et des femmes mais, que pouvait bien vouloir dire « aller en ville » pour tout ce beau monde ? Aujourd’hui, près d’un siècle plus tard, quelles transformations identitaires s’en sont suivies ? A y aller toujours et toujours plus nombreux, sont-ils pour autant devenus de « vrais » citadins ?