Les différentiels ethniques de mortalité aux âges adultes au Kirghizstan
Discutant : Jacques Vallin (Ined)
D’après les données officielles du Comité National des
Statistiques du Kirghizstan, la mortalité aux âges adultes (20-59)
dans cette république d’Asie Centrale est plus élevée parmi les
hommes d’ethnicité slave (Russes, pour la plupart) que parmi les
hommes d’ethnicité centrasiatique (Khirghizes et Ouzbeks, pour la
plupart). Déjà présent pendant l’époque soviétique, cet excédent de
mortalité parmi les hommes russes a fortement augmenté depuis 1991.
Les femmes russes, qui, contrairement aux hommes, avaient une
mortalité plus faible que les femmes khirghizes pendant l’époque
soviétique, ont perdu leur avantage après la chute de l’Union
Soviétique. Ces différences sont surprenantes dans la mesure où le
niveau socio-économique des Slaves en Asie Centrale est supérieur à
celui des populations autochtones.
Cette communication examine les explications possibles de ce
"paradoxe de mortalité": (1) problèmes de données; (2) effets de
migration; (3) explications culturelles. L’analyse de données
détaillées de la mortalité (toutes causes confondues et par cause)
révèle que les problèmes de données et les effets de migration ne
sont pas les explications les plus plausibles. Au contraire, il
semble que l’excédent de mortalité des Slaves est réel et dû à
d’importantes différences de mortalité par cause. Les causes de
décès qui expliquent la plus grande part du différentiel de
mortalité sont celles liées à la consommation d’alcool (hommes et
femmes) et le suicide (hommes). L’explication culturelle est donc
la plus probable, car les comportements individuels qui génère les
differentiels de mortalité observés semblent être liés aux
pratiques culturelles des différents groupes ethniques. Cette
communication évoque les implications de ces résultats pour la
compréhension de la crise sanitaire dans les républiques de
l’ex-Union Soviétique.