Les Bamakois diplômés de Paris - Ethnographie d’une petite bourgeoisie en déclassement
Présenté par David Mahut (CEPED - Université Paris Descartes) - Discutant : Etienne Gérard (CEPED)
Cette présentation s’appuie sur une enquête ethnographique menée
entre 2007 et 2012 auprès d’un groupe de migrants bamakois et
diplômés résidant à Paris. L’objectif est de reconstituer les
itinéraires biographiques de ces migrants africains aux propriétés
sociales spécifiques : ce sont des urbains issus de la petite
bourgeoisie bamakoise, ils maîtrisent le français et tous ont
obtenu leurs diplômes au Mali (niveau de diplôme allant du
baccalauréat au doctorat). Très majoritairement ouvriers ou
employés à Paris, les enquêtés sont placés durablement en bas de la
hiérarchie des métiers, des métiers qui sont en inadéquation avec
leur niveau de qualification. Mais ce déclassement
socioprofessionnel n’est pas la conséquence de leur immigration en
France. La mobilité sociale descendante débute dans le Mali des
années 90 alors que le pays traverse une crise qui gèle les
possibilités d’ascension professionnelle et familiale de mes
interlocuteurs.
La première partie de l’exposé est consacrée à la définition du
capital pré-migratoire des personnages de l’enquête (les
dispositions sociales d’avant l’émigration) et aux raisons qui les
ont poussés au départ. Je m’arrêterai spécialement sur les trois
caractéristiques fondamentales de leur milieu d’origine : l’origine
urbaine, la dette intergénérationnelle et le diplôme. La seconde
partie porte sur quelques-unes des logiques d’intégration qui
conduisent les enquêtés à occuper les positions basses de la
structure sociale française : prise en charge partielle du réseau
familial d’accueil, segmentation juridique du marché du travail
selon le critère de nationalité, développement continu des formes
précaires d’emploi depuis les années 80, etc. La troisième et
dernière partie propose une analyse des enjeux sociologiques de
leurs situations d’emploi dans la société d’immigration (reproduire
en France leur condition de vie originelle par exemple) et
d’émigration (répondre à l’exigence de la dette familiale par le
biais des transferts financiers notamment). Ces enjeux seront
abordés à travers la notion de déclassement, ce qui appelle à
réfléchir sur les conditions d’usage de ce terme lorsqu’il est
appliqué à une population migrante.